Le marathon de Beyrouth, organisé chaque année depuis dix ans, est l'événement sportif le plus important au Proche-Orient. Son organisatrice, May El-Khalil, a réussi à en faire un instrument de paix. Parcours d'une femme pleine d'endurance.
May El-Khalil a réussi un miracle : faire du marathon de Beyrouth un moment de paix et d'unité. Le 9 novembre, 37 000 coureurs issus de 18 communautés religieuses (chrétiens, sunnites, chiites, druzes) ont couru les 42,195 kilomètres. Autant dire un moment de répit pour les participants mais aussi pour les spectateurs qui ont pu oublier, le temps de la course, la crise politique et les affrontements religieux au Liban.
"Le Liban peut éviter le chaos à condition d'être uni. Plus le Liban accueillera des événements internationaux, plus nous pourrons montrer que nous vivons dans la paix et la stabilité", affirme la présidente de l'association du marathon de Beyrouth, May El-Khalil, au micro de France 24.
À 58 ans, cette Libanaise apprêtée et maquillée à souhait est loin de laisser transparaître sa passion pour le sport. Pourtant, elle a la course à pied chevillée au corps depuis de nombreuses années. Mariée très jeune, elle n'a que 22 ans quand elle suit son entrepreur de mari au Nigeria. Femme d'expatrié débordante d'énergie et mère de quatre enfants, elle ne tient pas en place et réussit à s'épanouir dans le sport.
Elle commence par l'aérobic avant de se mettre à courir. Elle avale alors les kilomètres et devient adepte des longues distances. Lorqu'elle rentre au Liban en 2000, elle garde l'habitude. "Longtemps, j'ai été l'une des seules femmes à courir dans les rues de Beyrouth", se souvient-elle.
"Transformer un handicap en énergie"
Mais cette passion s'arrête brutalement, en novembre 2001, lorsqu’un bus la percute et la plonge dans le coma avec deux fémurs cassés, les hanches et les dents brisées. Clouée au lit pendant deux longues années, May El-Khalil subit 36 opérations. Si son corps est brisé - elle ne pourra plus courir -, ses rêves restent intacts. Notamment celui d'organiser un marathon. "J'ai voulu montrer qu'on peut transformer un handicap en énergie", raconte-t-elle.
Mais à l'époque, la course à pied est loin d'être populaire au pays du Cèdre. Toujours aussi déterminée et souriante, elle s'emploie à réaliser son rêve en convainquant les sponsors. Son mari finance la première édition, en 2003.
"Le pays sortait de la guerre et était miné par les affaires, se rappelle-t-elle. On a proposé à des gens qui s'étaient affrontés pendant la guerre de courir côte-à-côte dans un marathon." Au total, 6 000 coureurs participent. Mission accomplie pour May El-Khalil.
Plus de dix ans après, les violences religieuses n'ont pas cessé. La guerre en Syrie a même exacerbé les tensions. Mais à l'image de May El-Khalil, le Liban a de l'endurance. Et le marathon est là pour le rappeler.