Lundi, l'Union africaine a donné 15 jours aux militaires du Burkina Faso pour rendre le pouvoir aux civils sous peine de sanctions, alors qu'après le départ de l'ex-président Blaise Compaoré, l'armée a chargé le colonel Isaac Zida de lui succéder.
Après avoir observé au Burkina Faso les événements qui ont provoqué le départ du président Blaise Compaoré vendredi, l'Union africaine (UA) a annoncé, lundi 3 novembre, que les militaires burkinabè avaient 15 jours pour restituer le pouvoir à un gouvernement civil, faute de quoi elle imposerait des sanctions.
"Nous demandons aux forces armées de tranférer le pouvoir auxs autorités civiles, et le Conseil a décidé que ce transfert devrait s'opérer dans une période de deux semaines", a ainsi déclaré Simeon Oyono Esono, chef du Conseil de paix et de sécurité de l'UA.
Cette prise de position intervient au lendemain du coup de force de l'armée burkinabè. À coups de gaz lacrymogène et de tirs de sommation, celle-ci s’est en effet employée, à Ouagadougou, à asseoir son autorité face aux manifestants contestant sa prise de pouvoir.
L'armée a par ailleurs annoncé, lundi, la réouverture des frontières terrestres du Burkina Faso, après trois jours de fermeture, dans un communiqué transmis à l'AFP.
Les frontières terrestres sont rouvertes avec effet immédiat "afin de permettre la reprise des activités économiques et la libre circulation des personnes et des biens", selon ce communiqué signé du lieutenant-colonel Isaac Zida.
Alors que les frontières aériennes avaient été rouvertes dès samedi, la fermeture des frontières terrestres avait bloqué beaucoup de camions chargés de denrées périssables aux frontières du Togo et du Niger, a expliqué à l'AFP un officier de l'entourage du lieutenant-colonel.
it"Ballet diplomatique"
Quant au nouvel homme fort du Burkina Faso, le lieutenant-colonel Isaac Zida, après avoir rencontré les ambassadeurs de France et des États-Unis, il poursuivait, lundi, ses consultations avec la classe politique et la société civile afin de redéfinir les contours de la transition politique.
La Constitution burkinabè, que les militaires ont suspendue vendredi, prévoit que le président de l'Assemblée nationale assure l'intérim en cas de vacance du pouvoir. Or l'Assemblée a été dissoute dans les premières heures du pouvoir militaire, et son président reste introuvable…
"Le pouvoir exécutif sera conduit par un organe de transition dans un cadre constitutionnel. Cet organe de transition sera dirigé par une personnalité consensuelle désignée par tous les acteurs de la vie nationale", a déclaré plus tôt dans la journée de lundi Isaac Zida, sans donner d'explication plus précise ni de calendrier.
"Le fait que Zida prononce ces mots tend à rassurer la classe politique, indique Anna Sylvestre-Treiner, envoyée spéciale de France 24 au Burkina Faso. On sent là encore une volonté d’apaisement."
>> À lire sur France 24 : "L'ascension express du lieutenant-colonel Zida au Burkina Faso"
Sous la pression de la communauté internationale
De fait, depuis la prise de pouvoir de l’armée, la communauté internationale suit attentivement ses moindres mouvements. Les États-Unis, alliés privilégiés du Burkina Faso dans la lutte contre les jihadistes au Sahel, ne cessent d’appeler "l'armée à transmettre immédiatement le pouvoir aux autorités civiles". Pour sa part, l'Union européenne (UE) a demandé aux militaires de respecter les droits fondamentaux de la population, y compris celui de manifester pacifiquement, tandis que le président ghanéen, John Dramani Mahama, actuellement à la tête de la Cédéao, a appelé "au dialogue" et à la retenue pour éviter que "la situation déjà précaire" ne dégénère.
Zida sur le départ ?
Tandis que les consultations se poursuivent, plusieurs scénarios commencent à se dessiner. Selon l'envoyée spéciale de France 24 au Burkina Faso, certaines sources au sein de l’opposition affirment qu'Isaac Zida serait prêt à laisser la tête de la transition à un civil issu de la classe politique ou du monde associatif. Aucun nom n’a, pour l’heure, été avancé.
D’après les mêmes sources, le lieutenant-colonel conditionnerait son départ à l’obtention d’un statut d’ancien chef de l’État. Pour autant, les militaires ne seraient pas totalement exclus du processus. Visiblement hésitante, divisée et dépassée par le rythme rapide des événements, l'opposition n’a jamais véritablement exclu une entente avec le corps armé qu’elle considère, malgré tout, comme faisant partie des forces vives de l’insurrection.