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Présidentielle au Brésil : deux femmes favorites sur une terre d'hommes

L'élection présidentielle brésilienne pourrait se jouer entre Dilma Rousseff et Marina Silva. Un duel surprenant au regard de la large sous-représentation politique des femmes dans ce pays, où l’égalité entre les sexes est loin d’être acquise.

Une élection présidentielle très féminine se prépare au Brésil. Dès le premier tour du scrutin, dimanche 5 octobre, les électeurs devront départager Dilma Rousseff, la présidente sortante, et Marina Silva, la charismatique candidate du Parti socialiste (PBS), qui talonne de près dans les sondages le premier candidat masculin, le social démocrate Aecio Neves (PSDB).

Selon les derniers sondages, Dilma Rousseff est créditée d'environ 40,6 % des intentions de vote au premier tour, tandis que Marina Silva et Aecio Neves se disputent la deuxième place avec respectivement 21,4 % et 24 %.

L'ascension politique de ces deux femmes est le fruit d'une combattivité et d'une persévérance hors pair, dans ce pays aux profondes inégalités entre hommes et femmes. Marina Silva, issue d’une famille extrêmement pauvre de l’Amazonie, fut analphabète jusqu’à ses 16 ans, puis femme de ménage avant de s’engager à corps perdu dans lutte écologiste. En 1994, elle remporte sa première victoire électorale en devenant la plus jeune sénatrice que le Brésil ait connu. De dix ans son aînée, sa rivale Dilma Rousseff, candidate du Parti des travailleurs et favorite de l’élection, a, elle, marqué l’histoire de son pays en devenant la première femme à accéder au pouvoir en 2010, après avoir connu les geôles de la dictature militaire au début des années 1970.

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Dilma Rousseff, la "féministe"

"Dilma Rousseff est une féministe car elle a réussi à s’émanciper de la structure patriarcale et elle a démontré aux femmes [de son pays] qu’elles étaient capables de faire pareil", explique admirativement à France 24 Yury Puello Orozco, représentante du mouvement Catholic Women for the Right to Choose (CCPD - littéralement "Femmes catholiques pour le droit à choisir"), une organisation basée à Sao Paulo.

Si la militante estime qu’un long chemin reste à parcourir, elle applaudit les changements entrepris par Dilma Rousseff. "Nous n’avons pas atteint l’égalité entre hommes et femmes, loin de là, mais il y a des progrès. Notamment des améliorations en ce qui concerne l’éducation des filles. On crée les bases d’un changement", indique-t-elle.

Pour Yury Puello Orozco, un second mandat donnerait le temps à Dilma Rousseff d’ajuster sa politique à ses convictions, ce qu’elle n’a pas toujours pu faire ces quatre dernières années. Peu d’avancées sur la condition féminine ont en effet été observées au Brésil, sixième puissance mondiale, qui reste une terre profondément machiste.

8,4 % de femmes à la Chambre basse, 15 % au Sénat

Symbole éloquent de cette inégalité entre les sexes : la représentation anormalement faible des femmes au Parlement. En dépit d’une légère hausse observée ces douze dernières années, les femmes représentent seulement 8,4 % des députés à la Chambre basse du Parlement et 15 % au Sénat.

Des chiffres qui apparaissent d’autant plus décourageants qu’une loi votée il y a 15 ans impose au moins 30 % de femmes sur toute liste électorale. Mais cette mesure est allègrement contournée au moyen de "femmes fantôme", un procédé qui consiste à inscrire des candidates sur les listes électorales sans leur donner les moyens de mener une campagne.

Un constat qui a fait bondir plusieurs députées, lesquelles ont convoqué une réunion en février dernier à Brasilia. Elles ont exhorté les autorités à se saisir de ce problème et ont plaidé pour une sensibilisation accrue des femmes à la politique.

L’avortement toujours criminalisé

Outre leur sous-représentation dans les arcanes du pouvoir, les Brésiliennes font face à bien d'autres défis. Les féministes pointent notamment du doigt l’interdiction de l’interruption volontaire de grossesse (IVG) comme une autre illustration de la lente évolution de la condition féminine. Au Brésil, pays très religieux, avorter est en effet considéré comme un acte criminel, sauf en cas de viol, de grossesse à risque pour la mère ou de déficience cérébrale majeure du fœtus. Or, dans le pays, le nombre d'avortements reste très élevé malgré la loi ultra-restrictive. Au cours de l’année dernière, on estime à un million le nombre d'IVG, pratiqués pour la plupart clandestinement.

Sur ce sujet, Yury Puello Orozco se fait véhémente et fustige le manque de courage des politiques. La popularité de Marina Silva l'inquiète particulièrement : non seulement cette proche de l'église pentecôtiste ne s’est pas prononcée en faveur de la légalisation de l’avortement, mais elle n’a pas non plus clairement exprimé ses positions sur la question de l’égalité entre les sexes.

Au Brésil, peu de candidats osent aborder la question de la légalisation - ou, a minima, de la décriminalisation - de l'avortement. Même Dilma Rousseff observe un silence aussi électoralement prudent que révélateur sur cette épineuse question. Seuls les candidats des Verts, Eduardo Jorge, et de la gauche radicale, Luciana Genre, défendent la légalisation de l'IVG. Sur la foi des plus récents sondages, ils totalisent à eux deux moins de 1,5 % des intentions de vote.