![Ces réseaux salafistes qui inquiètent les autorités allemandes Ces réseaux salafistes qui inquiètent les autorités allemandes](/data/posts/2022/07/19/1658241420_Ces-reseaux-salafistes-qui-inquietent-les-autorites-allemandes.jpg)
La Rhénanie-du-Nord-Westphalie, dans l’ouest de l’Allemagne, est devenue un bastion des groupuscules salafistes. Leur activisme inquiète aussi bien les autorités allemandes que la population. Reportage.
Selon les services de renseignement occidentaux, plus de 400 jeunes allemands sont partis faire le jihad en 2013 en Irak et en Syrie. Un nombre important d’entre eux ont rejoint les rangs de l’organisation de l’État islamique (EI), le groupe jihadiste dirigé par le "calife" autoproclamé Abou Bakr al-Baghdadi. Les envoyés spéciaux de France 24 se sont rendus en Rhénanie-du-Nord-Westphalie, dans l’ouest de l’Allemagne, là où les groupuscules salafistes, dont sont issus la plupart des jihadistes, sont de plus en plus actifs. Ce qui inquiète aussi bien les autorités que la population
À Düsseldorf, le procès de quatre islamistes radicaux, soupçonnés d'avoir planifié un attentat à la gare de Bonn fin 2012 et d'une tentative d'assassinat déjouée en mars 2013, qui s'est ouvert le 29 septembre est particulièrement suivi par les sympathisants de la cause salafiste. Parmi eux, Bernhard Falk, un des principaux leaders de la mouvance. Ce dernier tient un discours à peine voilé. "L’Allemagne a de bonnes raisons de s'inquiéter, car la situation en matière de sécurité est problématique, les opprimés se défendent et ils finiront par trouver les moyens de mener à bien des actions." Cet ancien terroriste d'extrême gauche, converti à l'islam radical en prison, est proche d’un certain Sven Lau. Cet individu, que la presse locale surnomme l'ennemi public numéro un, a mis les autorités allemandes en état d'alerte ces dernières semaines.
Dans une vidéo qui fait le tour du Net, Sven Lau patrouille dans les rues de Wuppertal, toujours dans l’ouest du pays, avec une poignée de salafistes vêtus de chasubles floquées "Police de la charia". Leur mission : recadrer et empêcher les musulmans de fréquenter les bars et les salles de jeu.
Mais au-delà de cette provocation, que ce soit à Wuppertal ou à Düsseldorf, les salafistes de Rhénanie, qui maîtrisent leurs outils de communication, sont de plus en plus présents sur le terrain.
Dans le quartier d'Oberbilk, où vivent de nombreux immigrés d'origine turque et maghrébine, leurs activités en ont choqué plus d'un. Une journaliste d'origine marocaine confie à France 24 qu’elle a été sermonnée par l'une de ces patrouilles parce qu'elle ne porte pas le voile.
Plus de 5 000 salafistes en Allemagne
"Ils se sont adressés à moi, arborant leurs vestes, symbole de la police de la charia, pensant ainsi avoir tous les droits, c'est ce qui m'a énervée, qui m'a choquée, explique Sounia Siahi. Si on ne fait rien dès maintenant, si on ne les remet pas en place très vite, ça peut prendre de l'ampleur. Souvenons-nous que c'est comme ça que les choses ont commencé avec les radicaux. Au début ils n'étaient que quelques-uns et maintenant on en compte plus de 5 000 en Allemagne".
À Berlin, Görtz Nordbruch, de l'association Ufuq, qui lutte contre la radicalisation religieuse, a de l’avance en la matière. Il intervient dans les écoles pour déjouer la propagande salafiste, et avec l'aide d'intervenants et de vidéos, il décrypte les messages des radicaux omniprésents sur la Toile.
"Lorsque l'on cherche des réponses en allemand à des questions religieuses du genre : est-ce qu'un musulman a le droit de boire du Coca-cola ? Les premières réponses que vous trouvez sont celles des salafistes, et ce parce que les grandes associations musulmanes ont mis beaucoup de temps avant de fournir elles-mêmes des réponses".
Depuis le début de l'année, la tension communautaire monte dans le pays, et les attaques contre les institutions musulmanes se sont multipliées. Ainsi, dans le quartier de Kreuzberg à Berlin, une mosquée a été incendiée au mois d'août. Alors pour mettre un terme aux amalgames, les responsables religieux dénoncent à haute voix les dérives islamistes. Un message plus que jamais nécessaire puisque selon un récent sondage, plus de 60 % de la population redoutent des attentats sur le territoire allemand. "Beaucoup assimilent l’organisation de l’État islamique aux musulmans, alors nous devons prendre nos distances et montrer que nous ne partageons pas leur valeur", confie à France 24 un habitant de confession musulmane de Kreuzberg.
À l'instar de ce fidèle, les autorités allemandes ont, elles aussi, réagi. Depuis mi-septembre, toute activité de soutien ou de promotion de l'EI est désormais interdite.