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Après New York, l'aile gauche du Parti démocrate s'empare de Seattle avec Katie Wilson
La ville de Seattle a une nouvelle maire : Katie Wilson, une activiste démocrate à tendance socialiste. Elle l'a emporté face au maire sortant, un démocrate centriste. Comme Zohran Mamdani à New York, la nouvelle venue en politique a fait campagne sur la crise du logement et l'accroissement des inégalités. Ce nouveau succès de la gauche irrite au plus haut point Donald Trump
La maire démocrate de Seattle, Katie Wilson, le 13 novembre 2025. © Lindsey Wasson, AP

Seattle est depuis des décennies un bastion démocrate. Aux élections municipales de début novembre, à la surprise générale, les électeurs ont choisi la candidate la plus à gauche du Parti démocrate. Dans la ville portuaire du nord-ouest des États-Unis, qui compte près de 800 000 habitants, l’élection de Katie Wilson marque une nouvelle victoire des démocrates progressistes dans le pays. 

À 43 ans, cette mère d'une fillette de 2 ans, sans voiture et locataire d'un appartement de 55 m², incarne un tournant inattendu. "Personne n'avait prévu cela", a-t-elle reconnu, encore surprise de cette victoire alors qu'elle n'avait pas l'intention de se présenter au début de l'année.

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Issue du monde associatif, cette activiste présente un profil atypique dans le paysage politique américain. Fille de deux universitaires chercheurs en biologie de l'espèce, elle a grandi à Binghamton dans l'État de New York. Militante de gauche depuis toujours, elle a cofondé une section de l'association Food Not Bombs au lycée et a rencontré son futur mari, Scott Myers, en servant des repas gratuits lors d'une manifestation pour les droits des animaux. Le couple s'installe à Seattle en 2004, où Katie Wilson fonde des années plus tard une association pour l'amélioration des transports publics à Seattle, le Transit Riders Union. Elle n'avait jamais exercé de mandat électif avant de renverser Bruce Harrell, le maire démocrate centriste.

Soutenu par les entreprises, le maire sortant, Bruce Harell semblait pourtant assuré de l'emporter, fort d'un bilan sécuritaire apprécié, et la suppression de nombreux campements de sans-abri dans les parcs de la ville. Mais Katie Wilson a attaqué cet ancien avocat d'affaire sur un point central, qui est son opposition à une taxe sur les hauts revenus destinée à financer le logement social.

"Merci Zohran"

Comme pour l'élection du progressiste Zohran Mamdani à New York, la campagne municipale à Seattle s'est concentrée sur accessibilité au logement et l'explosion du coût de la vie. L'élection de Katie Wilson n'est pas sans rappeler celle de son homologue new-yorkais, qui s'est d'ailleurs empressé de la congratuler sur X.

"Félicitations à la nouvelle maire élue", a-t-il écrit. "Les électeurs de Seattle ont fait entendre leur voix : ils veulent une nouvelle forme de politique […] qui répond aux besoins des classes laborieuses.”

"Merci Zohran", a répondu la nouvelle édite, toujours sur X. "Je suis fière de me battre à tes côtés pour une démocratie qui réponde aux attentes des travailleurs : une vie plus abordable, des logements, une vie plus sûre.”

Après New York, l'aile gauche du Parti démocrate s'empare de Seattle avec Katie Wilson

Comme pour Zohran Mamdani, Katie Wilson a pu compter sur une mobilisation exceptionnelle de bénévoles, qui ont fait campagne auprès d'électeurs particulièrement préoccupés par la hausse du coût de la vie.

"L'inégalité à Seattle est moins pire qu'à New York, mais clairement au-dessus de la moyenne nationale", analyse René Lindstaedt, spécialiste de politique américaine à l'Université de Birmingham au Royaume-Uni. Pour lui, le résultat des municipales dans les deux villes représente "une tendance de fond" marquée par l'augmentation continue des inégalités et un marché du logement, qui devient hors de portée pour une partie croissante des habitants.

Dans cette métropole de la côte Pacifique, le boom technologique, porté par Amazon dont le siège social est implanté à Seattle, a enrichi une partie de la population mais a creusé les écarts. Le prix médian des maisons dépasse désormais le million de dollars, rapporte le New York Times. À cela s'ajoute un défi de taille pour les années à venir : avec le virage de l'intelligence artificielle, les plus grands employeurs de la région, dont Amazon, suppriment désormais des milliers d'emplois.

Après New York, l'aile gauche du Parti démocrate s'empare de Seattle avec Katie Wilson
Katie Wilson s'adresse aux employés de Starbucks alors qu'ils se rassemblent pour faire grève devant l'ancienne torréfaction Starbucks Reserve Roastery, qui a fermé ses portes plus tôt dans l'année, le 13 novembre 2025 à Seattle. © Lindsey Wasson, AP

Le réveil des progressistes face à Trump

Le retour de Donald Trump au pouvoir a également joué un rôle dans l'élection de Katie Wilson. Ses menaces répétées de réduire les financements fédéraux des villes démocrates ou d'y envoyer la garde nationale ont contribué à réveiller l'électorat de gauche.

Katie Wilson a d'ailleurs fait campagne sur la résistance à la politique de l'administration Trump, affirmant vouloir faire de Seattle un "laboratoire pour les politiques progressistes", avec des mesures telles que la taxation des riches, la construction massive de logements, la défense des immigrés, la protection des communautés LGBTQ+ contre des groupes d'extrême droite ou encore la mise en place de crèches gratuites. "Nous défendons les plus vulnérables. Nous croyons en la démocratie, à l'action climatique, à des services publics solides et à des emplois de qualité", promet-elle sur son site de campagne. 

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L’élection de Katie Wilson, comme celle de Zohran Mamdani à New York, annonce-t-elle l’émergence de nouveaux profils au sein du parti démocrate ? Pour le New York Times, cette femme de 43 ans incarne "un changement générationnel par rapport aux démocrates plus âgés et établis".

Son succès, estime René Lindstaedt, "ouvre la voie à l'entrée en politique de ce genre de profil, des activistes, des personnes proches des gens qui vivent les inégalités de revenus, qui ont du mal à se loger, à se nourrir, à obtenir une couverture santé… Cela va encourager d'autres à se lancer". Désormais, ces Américains "peuvent se sentir davantage poussés à entrer en politique, afin de provoquer un vrai changement", avance le chercheur. Reste à savoir si la direction démocrate, et notamment les élus du Congrès, sont prêts à accueillir des profils atypiques, à accepter cette option du socialisme démocratique et surtout à leur faire une place, tempère-t-il.

Le rôle des "millennials" et de la "génération Z"

Comme à New York, les "millennials" et la "génération Z" ont fait basculer l'élection. Dans l'État de Washington, où le vote se fait par correspondance, les premiers bulletins dépouillés étaient majoritairement favorables à Bruce Harrell, ce qui a laissé croire à une avance du maire sortant. Mais les votes tardifs, émanant des jeunes et des électeurs progressistes, ont inversé la tendance. "Ces deux générations sont particulièrement touchées par les inégalités de revenus", rappelle René Lindstaedt. "Il est possible qu'elles deviennent de plus en plus politisées parce qu'elles sentent qu'elle n'ont pas d'autre choix que de se faire entendre."

L'élection de Katie Wilson n'est pas le seul indice du virage progressiste à Seattle. Lors de ce scrutin, le conseil municipal a également été renouvelé avec l'arrivée de deux élus progressistes, l'élection d'un président du conseil à gauche, et le choix d'un procureur de la ville issu du camp progressiste.

L'inquiétude dans le camp conservateur

Les médias conservateurs ont pris le sujet très à cœur. "Cette élection signifie que les électeurs de Seattle viennent d'offrir au pays une deuxième expérience de gouvernance urbaine socialiste. Bonne chance !” a ainsi ironisé le Wall street journal, qui juge Katie Wilson "laxiste face à la criminalité mais intransigeante envers les entreprises."

The Washington post s'offusque pour sa part des "deux expériences de gouvernance radicale" à venir pour Seattle et New York et estime dans un éditorial que la nouvelle élue a "très peu d'expérience dans le domaine politique, mais plein de mauvaises idées". "Les projets de la maire élue vont accélérer l'exode des entreprises tout en faisant de la ville un lieu d'attraction pour les sans-abri et les criminels", ajoute le journal appartenant au fondateur d'Amazon, Jeff Bezos.

Donald Trump, lui, a laissé entendre que Seattle pourrait perdre son statut de ville hôte de la Coupe du monde 2026. Dans le Bureau ovale, en présence de Gianni Infantino, le patron de la Fifa, le milliardaire n'y est pas allé par quatre chemins. "Si nous pensons qu’il y aura un problème à Seattle, où le maire est très, très libéral, presque communiste […] si nous pensons qu’il va y avoir un problème, Gianni, puis-je dire que nous déplacerons (le lieu) ? Je ne pense pas qu’ils auront ce problème, mais nous allons déplacer l’événement dans un endroit où il sera apprécié et sûr", a-t-il expliqué devant les journalistes. La ville du nord-ouest américain doit accueillir six rencontres du Mondial, dont le deuxième match de groupe des États-Unis et deux matches à éliminations directes.

Une réaction révélatrice, selon René Lindstaedt. "Je ne pense pas qu'il considère cela comme un simple détail. Vous ne réagissez pas comme le président l'a fait à l'élection d'une maire, normalement. Ce n'est pas quelque chose dont un président se préoccuperait. Cela montre à quel point il prend cela au sérieux".