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Darius, ce jeune rom lynché en juin et SDF en août

L’adolescent rom qui avait été lynché en juin - pour un supposé cambriolage dans une cité de Pierrefitte-sur-Seine - est sorti de l’hôpital lundi. Sans logement et dans un état de santé encore très fragile, le jeune garçon se retrouve à la rue.

Darius a été laissé pour mort le 13 juin. Âgé de 17 ans, ce jeune rom avait été tabassé puis abandonné dans un caddie de supermarché près d’un quartier défavorisé de Pierrefitte-sur-Seine (Seine-Saint-Denis). Ses agresseurs, une bande de jeunes de la cité des Poètes, l’avaient accusé d’une tentative de cambriolage. Darius, de son vrai nom Gheorghe, n’a jamais pu se défendre. Gravement amoché, il était, depuis, plongé dans le coma.

Lundi 18 août, Darius est sorti de l’hôpital Lariboisière. Mais il est loin d’être tiré d’affaire. Malgré les démarches des services sociaux de l'hôpital parisien, le jeune homme et sa famille sont à la rue. Pourtant, Darius a besoin de repos et de confort. Son état de santé est encore fragile : il souffre de calcifications aux genoux, de séquelles neurologiques et de troubles cognitifs. Il doit impérativement être suivi à l’hôpital pour de la rééducation à raison de trois séances par semaine.

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Son avocate, Me Julie Launois-Flacelière, s’inquiète. "Gheorghe et sa famille n'ont pas pu trouver d'hébergement et le jeune homme se retrouve à nouveau à la rue", a-t-elle déclaré. La situation est d’autant plus complexe qu'il ne veut pas vivre séparé de sa famille, qui compte une quinzaine de membres... Comble de la misère sociale, Darius vient d'apprendre qu'il n’aura bientôt plus le droit à une couverture maladie, puisqu'à sa majorité, son assurance santé roumaine prendra fin. L’hôpital Lariboisière a toutefois indiqué qu’il continuerait à lui prodiguer des soins.

Sur le plan judiciaire, Darius pourra enfin livrer sa version des faits. Début juillet, une enquête pour "tentative d'homicide" et "enlèvement et séquestration" avait été ouverte, mais aucune interpellation n'a pour l'instant été effectuée ou rendue publique. Interrogé sur son lit d’hôpital, il a nié les faits. Tous les faits. "Il dit qu’il n’a rien fait, qu’il n’a pas été pourchassé et que ce n’est pas vrai", soupire une source proche de l’enquête, interrogé par le quotidien "Libération". Darius est connu des services de police pour des faits de vol et avait été interpellé plusieurs fois début juin, selon le maire de Pierrefitte-sur-Seine, Michel Fourcade.

Chercher le "tee-shirt rouge"

À l’époque des faits, ses agresseurs cherchaient un Rom vêtu d’un tee-shirt rouge – vêtement qu’il aurait porté pendant sa tentative de cambriolage. Un détail vague qui a suffi à déclencher une fureur collective inouïe. Le soir du 13 juin, les jeunes de la cité des Poètes pénètrent dans son campement rom et retrouvent le garçon au tee-shirt rouge. Les enquêteurs apprennent surtout un détail édifiant : Darius a été "vendu" par les siens. Les autres membres de la communauté ne supportaient plus la tension avec la cité.

"Comme il était recherché de partout par les Blacks de la cité qui venaient foutre le bazar dans le campement, quelqu’un a appelé Darius dans sa cachette pour lui dire : 'Tu peux revenir, c’est bon'. C’est prouvé par la téléphonie. Comme le jeune Gheorghe est débile léger [il s’est échappé d’un centre psychiatrique en Roumanie pour rejoindre sa famille en France, ndlr], il l’a cru et est rentré au campement", raconte un enquêteur de la police judiciaire à "Libération".

Les agresseurs l'enlèvent, l'entraînent dans une cave, le tabassent et essaient même de monnayer sa vie. La mère de Darius a reçu deux appels provenant du téléphone de son fils, ce soir-là. Les ravisseurs lui ont demandé une rançon de 15 000 euros, puis une autre de 5 000 euros. Trois quarts d’heure plus tard, le corps de Darius était retrouvé, couvert d’ecchymoses et de sang, inconscient, dans un caddie, le long de la nationale 1.

Tags: Roms, France, Justice,