Reprise par l’armée ukrainienne après trois mois d’occupation séparatiste, Sloviansk vient de découvrir une fosse commune d’où ont été exhumés les corps de quatre habitants portés disparus. La ville pourrait compter d’autres fosses. Reportage.
Après des semaines d'intenses combats, l'armée ukrainienne a repris, début juillet, la ville de Sloviansk. Mais pendant près de trois mois, les séparatistes pro-russes ont régné en maîtres sur cette localité de l’est de l’Ukraine où plusieurs dizaines de personnes auraient disparu.
Jeudi 24 juillet, quatre corps ont été exhumés d’une fosse découverte dans un quartier central de la ville, derrière l'hôpital. Autour de l’immense trou, une trentaine de personnes ont assisté à l’extraction des corps. "C'est une terrible tragédie. Ici, ont été enterrés dans une fosse commune, quatre paroissiens protestants, innocents qui ont été torturés et tués par les rebelles", explique Anton Gerachtchenko, conseiller du ministre ukrainien de l'Intérieur, qui a présidé une rapide cérémonie avant l'exhumation.
"Mais de quel genre de guerre s’agit-il ici ?"
Enlevés le 8 juin à la sortie de la messe du dimanche, personne n'a eu de leurs nouvelles par la suite. Les quatre hommes étaient mariés. Le plus jeune avait 24 ans, l'un d'eux avait quatre enfants et un autre huit.
"J'étais dehors devant l'immeuble, le 11 juin, le matin quand une tractopelle est venue faire un trou dans la matinée. Après 15 heures, deux véhicules sont venus très près du trou et ils ont jeté les corps dedans", raconte Valentina, qui habite dans l'immeuble décrépit qui borde le terrain. Ma vision de la guerre, dit-elle, c’est quand un pays étranger attaque. Nos hommes meurent en défendant leur patrie. Mais de quel genre de guerre s’agit-il ici ? Qui défend quoi ? C’est incompréhensible."
Selon les autorités ukrainiennes, une vingtaine d’autres corps se trouverait dans cette fosse. "Tous ces corps qui sont dans cette fosse commune, aussi bien les militants, les terroristes que les victimes innocentes, les résidents de Sloviansk, tous sont victimes du terrorisme de Poutine, raconte Anton Gerachtchenko. S’il n’avait pas envoyé ces hommes en Ukraine et n’avait pas fait toute cette propagande cruelle et violente opposant l’est et l’ouest du pays, tout cela ne serait pas arrivé. Et d’ajouter : "Nous pensons que d'autres fosses comme celle-là existent dans la ville mais nous ne savons pas où, et c'est la première que nous ouvrons".
La vie reprend son cours
Dans les rues de la ville, totalement nettoyées des dizaines de barricades érigées par les rebelles, la vie semble pourtant reprendre son cours. Des magasins ont rouvert, beaucoup de gens circulent à vélo, des enfants jouent dans les parcs.
Au même moment, à quelques mètres de la fosse commune, au son de l'hymne national, un grand drapeau ukrainien est hissé devant l'Hôtel de Ville. La main sur le cœur, la cinquantaine d'employés municipaux présents chantent, les larmes aux yeux. "Cela signifie l’indépendance, c’est notre liberté, affirme Nikolaï, un habitant. Cela signifie beaucoup pour nous, c’est une sorte de bénédiction."
Les combats continuent cependant de faire rage dans l’est de l’Ukraine. Les séparatistes se disent déterminés à défendre Donetsk, l’une de leur dernière place forte. Jusqu’au bout.
L'ONU a dénoncé l'utilisation d'armes lourdes dans les zones d'habitation, visant non seulement les séparatistes prorusses mais aussi l'armée ukrainienne, dans un rapport publié lundi qui fait état de plus de 1 100 tués dans des combats dans l'Est depuis la mi-avril.
"Les informations sur l'intensification de combats dans les régions de Donetsk et de Lougansk sont extrêmement alarmantes alors que les deux parties utilisent dans des zones d'habitation des armes lourdes comme l'artillerie, les chars, les roquettes et les missiles", souligne le commissaire aux droits de l'homme Navi Pillay cité dans un communiqué.
"Au moins 1 129 personnes ont été tuées et 3 442 blessées" depuis le déclenchement par Kiev de "l'opération antiterroriste" à la mi-avril, selon les données disponibles au 26 juillet, précise le rapport.
Avec AFP