Ces trois derniers mois, des centaines de cas de torture et d’enlèvement ont été répertoriés par Amnesty International dans l’est de l’Ukraine. Des sévices à imputer aux groupes armés pro-russes et aux forces de Kiev, indique l'ONG.
"J’étais défigurée. Il m’a donné des coups de poing au visage. Il essayait de me frapper partout. Je me protégeais avec mes mains. J’étais blottie dans un coin, en boule, les mains autour des genoux. Il était énervé parce que j’essayais de me protéger. Il est sorti. Il est revenu avec un couteau."
Hanna est une survivante. Cette manifestante pro-ukrainienne âgée d’une trentaine d’années a longtemps cru qu'elle ne s'en sortirait pas. Enlevée par sept hommes cagoulés le 27 mai dans son appartement de Donetsk, la jeune femme a été torturée pendant six jours. Six journées de calvaire et de passage à tabac pour avoir participé à des manifestations pro-Kiev.
Son témoignage a été recueilli par Amnesty international. Dans un rapport publié vendredi 11 juillet, l'ONG a retranscrit l'intégralité de l'histoire d'Hannah qui illustre en substance les sévices actuellement endurés par d’autres militants – qu’ils soient pro-russes ou pro-Kiev - dans l’est de l’Ukraine.
Amnesty dénonce des actes de torture commis dans l'est de l'Ukraine
"Après 40 minutes, on ne ressent plus la douleur"
"J’ai cru que c’était la fin... Je pensais qu’ils allaient peut-être me tuer... À la fin de l’interrogatoire, [le tortionnaire lui a dit] : ‘maintenant, fais tes prières – je vais te tuer’, puis il m’a tranché la [nuque] avec le couteau." Hannah garde de nombreuses marques de son calvaire, notamment une importante cicatrice sur son index droit qui a été tranché par la lame d’un couteau. Son ravisseur, explique-t-elle, voulait "le lui peler comme une orange".
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Sasha, un autre militant pro-Kiev a subi le même genre "d’interrogatoire". Pendant 24 heures, ce jeune homme de 19 ans, habitant à Louhansk, a été battu. Tout comme Hannah, Sasha a expliqué à l'ONG que ses ravisseurs cherchaient des renseignements sur l’armée ukrainienne, sur d’autres militants. "Ils ont dit qu’ils allaient me tuer. Après une demi-heure, ou 40 minutes, on ne ressent plus la douleur. J’ai commencé à défaillir, j’ai perdu connaissance." À chaque réveil, continue-t-il, les sévices reprenaient. Et le militant d’énumérer les séances de strangulation et d’électrocution dont il fut la cible.
Si une grande partie des allégations concerne les groupes séparatistes pro-russes, l’ONG Amnesty qui tente de répertorier tous les cas de torture perpétrés en Ukraine, a tenu à préciser que les forces pro-ukrainiennes étaient aussi dans leur viseur. "Il semble […] que les forces pro-Kiev soient responsables d’abus, mais ils sont moins nombreux", a précisé Denis Krivosheev, directeur adjoint du programme Europe et Asie centrale d’Amnesty International.
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L’ONG rapporte le témoignage d’un adolescent de 16 ans, enlevé après avoir mis en ligne des séquences vidéo montrant des opérations des forces de sécurité ukrainiennes à Marioupol le 25 juin 2014. Le garçon, Vladislav, accusé de menacer "l’unité de l’Ukraine", dit avoir été torturé, avoir reçu des coups de crosse dans le dos et des coups de poing, et forcé de crier des slogans nationalistes pro-Ukraine.
Selon le ministère ukrainien de l'Intérieur près de 500 personnes ont été enlevées dans l'Est entre avril et juin. L'ONU a de son côté répertorié 222 cas d'enlèvements, souligne Amnesty. "Au fur et à mesure que les troupes pro-Kiev reprennent le contrôle de Sloviansk, Kramatorsk [bastions des séparatistes prorusses, ndlr] et d'autres localités dans l'est de l'Ukraine, de nouveaux prisonniers sont libérés et de nouveaux cas inquiétants sont révélés", indique Amnesty.
Avec AFP