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Quand l’Allemagne s’en prend à la règle d’or budgétaire

Le ministre allemand de l’Économie Sigmar Gabriel a prone un assouplissement de l’interdiction pour un pays européen d’avoir un déficit supérieur à 3 % du PIB. Mais sa proposition surprenante n’est pas forcément un cadeau pour les États endettés.

Quelle mouche a piqué Sigmar Gabriel ? Le ministre allemand de l’Économie et numéro deux du gouvernement d’Angela Merkel s’est permis, lundi 16 mars, une attaque en règle contre la fameuse règle d’or budgétaire européenne qui interdit aux États membres d’avoir un déficit supérieur à 3 % du PIB. Ce n’est pourtant pas le genre de l’Allemagne : le pays s’était, jusqu’à présent, toujours montré inflexible sur la rigueur budgétaire dans la zone euro.

“Les coûts qui sont occasionnés par toutes les mesures de politique de réforme (...) ne devraient pas être pris en compte dans les critères de déficit”, a, ainsi, affirmé Sigmar Gabriel, à l’issue d’une rencontre avec son homologue français Arnaud Montebourg. Une manière, pour le ministre et membre du parti social démocrate (SPD) allemand, de suggérer que la règle des 3 % n’est pas toute puissante, surtout lorsqu’il s’agit de soutenir la croissance.

Cette proposition a été bien accueillie par Paris. Le gouvernement français peine actuellement à tenir son engagement de réduction du déficit public à 3 % en 2015 ; 3,8 % sont prévus pour la fin 2014. La prise en compte du coût des réformes mises en œuvre pourrait donner à la France un bol d’air bienvenu.

“S’il s’agissait juste de suggérer un assouplissement la règle d’or budgétaire, l’initiative de Sigmar Gabriel irait dans le bon sens, mais ce n’est malheureusement pas aussi simple que ça”, nuance Christophe Blot, économiste spécialiste des questions européennes à l’Observatoire français des conjonctures économiques. Pour lui, la proposition du ministre allemand de l’Économie est, en fait, “une fausse bonne idée”.

Quand c’est flou...

Il y a trop de flou dans cette initiative, estime-t-il. Il est facile d’être séduit par l’idée de soustraire l’impact des réformes structurelles sur le déficit, mais “quelles sont les réformes qui entrent dans cette catégorie ?”, se demande Christophe Blot. Cet expert craint que ce ne soit, en fait, qu’une manière de pousser les États à une plus grande libéralisation de leur économie. Les pays de la zone euro ne pourraient alors dépasser les 3 % de déficit que s’ils introduisaient davantage de flexibilité dans leur marché du travail ou qu’ils révisaient leur système de retraite.

Comment, en outre, calculer l’impact économique de ces réformes structurelles ? “Il n’existe pas de méthode acceptée par tous, et une telle proposition promet des longs et difficiles débats sur les montants à soustraire au calcul du déficit”, estime Christophe Blot. Il estime que le système actuel - une règle d’or clairement établie avec la possibilité pour les États d’aller négocier des délais avec Bruxelles - vaut mieux que la proposition de Sigmar Gabriel.

Surtout, il pense que la règle d’or peut être assouplie de manière bien plus simple. “Il suffirait de soustraire les investissements publics du calcul du déficit, car ça on sait précisément l’évaluer”, affirme-t-il. En clair, l’argent dépensé pour développer les infrastructures, soutenir la recherche et, peut-être même, les sommes allouées à l’éducation ne serait plus pris en compte pour évaluer la conformité d’un pays à la règle des 3 %.