
La visite officielle que le président angolais, José Eduardo Dos Santos, effectue à Paris marque un rapprochement entre Luanda et la France après le scandale de l'Angolagate. Mais que représente l’ex-colonie portugaise pour l’Hexagone ?
Il ne se rend que rarement à l’étranger. Et c’est en France que le président de l’Angola, José Eduardo Dos Santos, effectue, mardi 29 et mercredi 30 avril, sa première visite officielle en Europe depuis 2009. Mardi, à la mi-journée, il a rencontré son homologue français, François Hollande, à l’Élysée, où les deux hommes ont évoqué des questions économiques mais aussi la paix et la sécurité en Afrique. Bien qu’elle n’ait abouti à aucune grande annonce, cette entrevue marque "une nouvelle étape" dans les relations entre Luanda et Paris, après des années de tension dues au scandale dit de "l’Angolagate".
Durant toute la décennie 2000, cette affaire de vente d'armes illégale pendant la guerre civile angolaise (1975-2002), impliquant des personnalités du monde politique et des affaires françaises, n’a eu de cesse, en effet, d’empoisonner les rapports entre les deux pays. Il aura fallu attendre 201,1 pour que la Cour d’appel de Paris mette un point final au scandale en relaxant les principaux prévenus. Mais tout le temps de la procédure, cette affaire aura coûté, outre une dégradation des relations diplomatiques, d'importants contrats en Angola à des entreprises comme Air France ou Total, premier opérateur pétrolier dans le pays.
Soucieux d’élargir sa sphère d’influence au-delà du pré-carré francophone, Paris tente depuis de se rapprocher de l’ancienne colonie portugaise, deuxième producteur pétrolier d’Afrique engagé dans des investissements colossaux grâce à sa forte croissance. Dès 2008, Nicolas Sarkozy, alors président, avait amorcé le mouvement en effectuant une visite officielle à Luanda. En octobre 2013, c’est l’actuel chef de la diplomatie française, Laurent Fabius, accompagné de représentants d'une quinzaine d'entreprises, qui s’était rendu dans la capitale angolaise afin de "passer à une nouvelle étape" dans les relations franco-angolaises.
Mais que représente aujourd’hui l’Angola pour la France ? Que pèsent les échanges commerciaux entre les deux pays ? Quel est le poids diplomatique de Luanda dans les crises africaines dans lesquelles intervient Paris ? État des lieux.
Les nouveaux rois du pétrole africain ?
La France est le huitième partenaire commercial de l’Angola. En 2012, le commerce bilatéral entre les deux pays s’est élevé à 1,47 milliards d’euros. L’Hexagone est le troisième investisseur étranger dans le pays. En 2012 toujours, les investissements directs (IDE) français ont atteint 6,7 milliards d’euros en Angola, faisant de ce dernier le premier bénéficiaire des IDE français en Afrique subsaharienne. Quelque 95 % de ces investissements hexagonaux sont consacrés à l’industrie extractive (pétrole, mine…).
En 2012, l’Angola était le 15e fournisseur en hydrocarbures de la France, le troisième africain, après le Nigeria et la Guinée équatoriale. Présent dans le pays depuis 1953, Total est le premier opérateur en Angola (30% de la production pétrolière). Avec environ 1,8 million de barils par jour (mbj), l'Angola entend atteindre les 2 millions de barils, un seuil qui lui permettrait de supplanter le Nigeria.
Depuis la fin de la guerre civile en 2002, le pays profite de ses importants revenus pétroliers pour développer et moderniser ses infrastructures, ce qui lui permet d'afficher un fort taux de croissance, de 10% en moyenne sur la dernière décennie.
Pour maintenir ce rythme, l'Angola doit produire toujours plus de pétrole et donc investir massivement. En février 2013, les autorités de Luanda ont annoncé un plan d'investissement de 8,8 milliards de dollars sur dix ans pour lancer "des centaines" de nouveaux puits d'exploration.
Acteur régional de premier plan
Sur le front diplomatique, l’Angola entend également devenir un acteur de premier plan en Afrique subsaharienne. Indépendant depuis 1975, le pays assume régulièrement la présidence tournante de plusieurs organisations régionales, comme la Communauté de développement d’Afrique australe (SADC) et la Conférence des pays des Grands Lacs. À ce titre, Luanda a accueilli plusieurs sommets régionaux ces derniers mois afin de discuter de diverses crises : à Madagascar, au Soudan du Sud et en République démocratique du Congo (RDC).
Début mars, les autorités angolaises, qui se refusent toujours d'envoyer des troupes à l'étranger, ont annoncé une aide de 10 millions de dollars pour la Centrafrique, plongée depuis un an dans le chaos. Depuis plusieurs années, Luanda mène en outre une campagne de recherche de soutiens pour obtenir une place de membre non permanent au conseil de sécurité des Nations unies
"Le président Dos Santos recherche une reconnaissance internationale de ses efforts", affirme à l’AFP Alex Vines du think-tank britannique Chatham House. Au cours des derniers 18 mois, la présidence angolaise est devenue plus ambitieuse internationalement, ce qui peut signifier que le président Dos Santos cherche à léguer un héritage après 34 ans au pouvoir."
Autoritarisme
Au pouvoir depuis 1979, José Eduardo Dos Santos, 71 ans, a été réélu avec près de 72 % des voix en 2012. Son régime est critiqué pour son autoritarisme et son incapacité à sortir la majorité de la population de la misère, en dépit de la manne pétrolière.
"Il ne faudrait pas que François Hollande ni Laurent Fabius sacrifient la question des droits de l'Homme sur l’autel des bonnes relations, notamment économiques, entre la France et l’Angola, a indiqué à RFI Clément Boursin de l'association Action des chrétiens pour l'abolition de la torture (Acat). Il y a un certain nombre de dossiers des droits de l’Homme qui font défaut en Angola, notamment en ce qui concerne les violences sexuelles à l'encontre des Congolaises expulsées du nord [du pays] depuis décembre 2003..." Et de conclure : "Il faut faire prendre conscience aux autorités angolaises que leur croissance et leur quête effrénée de respectabilité ne passera pas sans une bonne gouvernance, sans un respect des droits de l’Homme."
Avec AFP