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Viatcheslav Ponomarev, l’énigmatique fer de lance des séparatistes pro-russes

Ex-soldat de l’armée soviétique, l’autoproclamé maire de Sloviansk, bastion de rebelles pro-russes, dans l’est de l’Ukraine, est devenu le chef de file des séparatistes de la région. Mais pour ses administrés, le fougueux "édile" reste un mystère.

Il se dit novice en politique mais manifeste déjà une appétence pour les coups médiatiques. Maire autoproclamé depuis la mi-avril du bastion rebelle pro-russe qu’est la ville de Sloviansk, Viatcheslav Ponomarev est devenu en quelques jours une figure incontournable du mouvement séparatiste qui agite l’est de l’Ukraine. Son dernier coup d’éclat : l’organisation, dimanche 27 avril, d’une conférence de presse durant laquelle il a tenu à montrer que les huit membres européens de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), qu’il retient comme "prisonniers de guerre", sont en bonne santé (voir encadré). L’occasion également pour le nouvel homme fort de Sloviansk de préciser que les observateurs "ne sont pas des otages", mais des "invités".

L'un des observateurs de l'OSCE libéré

L'un des huit observateurs de l'OSCE détenus depuis le 25 avril à Sloviansk, un Suédois souffrant de diabète, a été libéré dimanche 27 avril au soir. Mais quatre Allemands, un Polonais, un Danois et un Tchèque, sont maintenus en détention.

Les rebelles pro-russes détiennent également quatre représentants ukrainiens de l'OSCE, mais il n'ont pas été présentés au public.

Une nuance sémantique peu habituelle chez Viatcheslav Ponomarev, qui a fait des déclarations à l’emporte-pièce sa marque de fabrique. Notamment lorsqu’il s’agit de désigner ses ennemis. Les loyalistes ukrainiens dont il annonce chaque jour une attaque imminente sur Sloviansk ? Des "nazis". Le gouvernement de Kiev avec qui il refuse de négocier ? Une "junte" d’"arrivistes", d’"oligarques" ou encore de "fiottes". Le ministre ukrainien de l'Intérieur, Arsen Avakov, qui a annoncé sa venue dans l’Est ? "S’il vient, je lui tirerai moi-même dessus". Puis d'ajouter sans détour : "Je ne serrerai pas la main de ce pédé". Tout aussi direct, au cours d'une des nombreuses conférences de presse qu’il aime tant donner depuis qu’il dirige Sloviansk, Viatcheslav Ponomarev a menacé un journaliste de le faire expulser "manu militari" s'il continuait à poser des questions embarrassantes.

Un style à la Poutine

Dans les actes, même promptitude. À peine avait-il pris possession de l’Hôtel de Ville qu’il décréta l’instauration d’un couvre-feu, interdit la vente d’alcool dans la ville et fit ériger des barrages autour des bâtiments officiels. Outre les observateurs de l’OSCE, trois militaires hauts gradés ukrainiens, accusés d'espionnage, sont détenus par les groupes d’auto-défense prêtant main forte aux militants séparatistes. La télévision russe a diffusé des images des trois prisonniers en caleçon, les yeux bandés et couverts de ruban adhésif. Deux journalistes, l’Ukrainienne Irma Krat et l’Américain Simon Ostrovsky, du site d’information Vice News, ont également été emprisonnés avant d’être relâchés.

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Vocabulaire fleuri, style viril… Il n’en fallait pas plus pour que cet ancien soldat de l’armée soviétique soit comparé au président russe, Vladimir Poutine, à qui il a solennellement réclamé des soldats et des armes après la fusillade qui a fait cinq morts - trois militants pro-russes et deux assaillants - à Sloviansk dans la nuit du 19 au 20 avril. Un appel à l’aide resté lettre morte, affirme Viatcheslav Ponomarev. Preuve qu'il ne dispose "pas de contacts" avec les autorités de Moscou…

Soutenu par les communistes, bien qu’il se dise "apolitique", ce "directeur d'une fabrique de savon", né en 1965 à Sloviansk de l'union d'un Russe et d'une Ukrainienne, proclame à l’envi que ses partisans et lui-même n'ont qu'"une seule exigence : le droit à l'autodétermination de leur peuple". Bien peu pourtant à Sloviansk connaissent véritablement celui qui affirme vouloir aujourd’hui les défendre des "fascistes" de Kiev.

"Il y a des traîtres. Le temps venu, on s'en occupera"

Lors de sa prise de pouvoir, à ceux qui lui demandaient qui il était, l’homme, presque systématiquement coiffé d’une casquette noire, répondait par un sec "Silence !", rapporte le quotidien britannique "The Guardian". Depuis, l’homme a multiplié les interventions devant la presse au cours desquelles il a distillé quelques informations le concernant. "Je suis un père très aimant, j'ai un fils", a-t-il raconté lors d’une conférence à laquelle l’AFP a assisté. Et de confier : "J'ai servi dans l'armée soviétique, dans la marine, j'ai participé à des opérations spéciales. Puis, en 1990, quand l'Union soviétique s'est effondrée, j'ai donné ma démission."

Au sujet de sa nouvelle fonction, Viatcheslav Ponomarev, qui arbore invariablement sur la poitrine un ruban de Saint-Georges noir et orange, signe de ralliement des militants pro-russes, précise : "Je ne voulais pas spécialement être maire. J'en ai reçu l'ordre" des instances séparatistes. Certes, "nous n'avons pas 100%" des 110 000 habitants de Sloviansk "derrière nous". "Certains hésitent, certains ont peur [...] Il y a des traîtres. Le temps venu, on s'en occupera."

En attendant "sa" victoire, Viatcheslav Ponomarev n’entend rien lâcher. "Nous avons les forces pour nous battre, elles sont là", fanfaronne-t-il dans un entretien accordé au magazine russe "Rousski Reporter". "Et nous allons nous battre tant que nous n’aurons pas chassé cette saloperie fasciste de notre terre." Si ses administrés ignorent beaucoup de choses sur leur "maire", au moins savent-ils qu’il est déterminé.

Avec AFP