Le 6 avril 1994, l’avion du président rwandais Juvénal Habyarimana est abattu par un missile. Le lendemain, le Rwanda connaîtra les prémices d'un déchaînement de violence le plus meurtrier de l’histoire récente qui décimera la population, provoquera la fuite de millions de personnes et laissera un pays dévasté. FRANCE 24 revient sur les origines et les circonstances qui ont mené au dernier génocide du XXe siècle.
Vingt ans après le génocide rwandais, l’extermination des Tutsis du Rwanda en 1994 est encore trop souvent décrite comme le résultat d’une haine ancestrale entre deux ethnies, une guerre civile entre le pouvoir hutu et des rebelles tutsis qui aurait mal tourné…
Dans ce reportage, j’ai voulu mettre en évidence l’installation progressive de l’idéologie du génocide qui prend racine durant la période coloniale, et le rôle de puissances extérieures, parmi lesquelles la Belgique, la France mais aussi les Nations unies. Cette faillite de la communauté internationale et ses échecs successifs ont mené au pire.
Tout d’abord, le colonisateur belge qui, empreint des théories raciales en vogue depuis le XIXe siècle et fasciné par la monarchie tutsie, transforme des catégories sociales - les Tutsis sont éleveurs et les Hutus, agriculteurs - en véritable ethnies figées, inscrites dans les cartes d’identité.
Puis, la France entre en scène et supplante progressivement la Belgique en tant que principal partenaire du pays des mille collines, avec un soutien indéfectible au régime hutu - jusqu’à l’aveuglement. La France arme et entraîne l’armée, majoritairement composée de Hutus, qu’elle sauve de la déroute contre une rébellion tutsie essentiellement anglophone. Les présidents français et rwandais François Mitterrand et Juvénal Habyarimana ainsi que leurs proches sont liés. Pourtant, entre 1990 et 1994, les pogroms contre les Tutsis du Rwanda se succèdent. Paris reste aveugle face à la montée d’une idéologie radicale diffusée à longueur d’émissions sur la radio des Mille collines, créée en 1993. Les appels au meurtre à peine voilés contre les Tutsis, qualifiés de "cafards" ou de "cancrelats", sont quasiment quotidiens.
Enfin, une lourde part de responsabilité incombe aux Nations unies. Les quelque 2 500 Casques bleus déjà déployés dans le pays ont quitté le Rwanda dès les premiers massacres et laissé le champ libre aux tueurs et aux milices interhamwe, principales responsables des massacres. Ni les États-Unis - encore traumatisés par le fiasco somalien qui s’est soldé par la mort d’une vingtaine de soldats américains en 1993 -, ni aucune autre grande puissance ne souhaite intervenir. En conséquence, la communauté internationale tarde volontairement à qualifier les massacres au Rwanda de "génocide".
Entre le 6 avril et le 4 juillet 1994 se déroule pourtant le génocide le plus expéditif de l’histoire : en 100 jours, entre 800 000 et 1 000 000 de personnes, essentiellement des Tutsis, ont été exterminées. Un chiffre qui représente au moins 70 % de la population tutsie qui vivait alors au Rwanda.
Dans ce reportage, j’ai rencontré des protagonistes, rescapés comme génocidaires, humanitaires ou anciens ministres, afin de recueillir leur témoignage et tenter de comprendre la marche de l’horreur.