Le régime syrien a repris jeudi le Krak des Chevaliers, célèbre château fort croisé, aux mains des rebelles depuis plus de deux ans. Une victoire symbolique que le régime a remporté sans que la forteresse n'essuie de dégâts majeurs.
C’est une nouvelle victoire pour le pouvoir en Syrie. L’armée loyale au président Bachar al-Assad a repris, jeudi 20 mars, la célèbre citadelle du Krak des Chevaliers, aux mains des rebelles depuis plus de deux ans. Une avancée d’autant plus symbolique que la forteresse, dans la région de Homs, est réputée imprenable.
La chaîne Al-Mayadeen, basée à Beyrouth et pro-Assad, a montré des combattants loyalistes hissant le drapeau syrien sur un donjon de la citadelle croisée. Cette prise vient s'ajouter à une longue série de succès cette semaine dans la région montagneuse de Qalamoun, plus au sud, en particulier la conquête de Yabroud, le 16 mars, puis celle de Ras al-Aïn, le 19 mars. Des batailles pour lesquelles le régime a bénéficié depuis plusieurs mois à la fois de l'appui de combattants du Hezbollah libanais et des divisions au sein de la rébellion. La prise du site entre également dans le cadre de l'offensive gouvernementale lancée pour sécuriser les localités proches de la frontière libanaise et l'axe routier qui relie Damas au littoral syrien, fief de la communauté alaouite dont est issu le président Assad.
Construit en 1031 et perché en haut d'une colline, le Krak des Chevaliers était l'un des sites touristiques les plus prisés de Syrie, avant le début du conflit syrien en mars 2011. Inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco, il symbolise, avec le site de Palmyre, notamment, la richesse archéologique du pays. Lorsqu’ils s’en étaient emparés il y a deux ans, les rebelles avaient fortement communiqué, l’érigeant en emblème de la révolte.
Le Krak repris sans dégâts majeurs
Positionnés à l’intérieur du château fort, mais également dans les deux villages sunnites situés à ses pieds, les combattants se servaient du promontoire pour tirer des roquettes sur des villages alaouites et chrétiens environnants. Des accrochages ont régulièrement eu lieu avec des milices pro-régime, notamment dans le village chrétien de Howash, provoquant plusieurs morts. Sur les réseaux sociaux, nombre sont les habitants de la région, chrétiens ou alaouites, à avoir fait part de leur étonnement quant au comportement de l’armée syrienne qui n’agissait pas pour déloger ces rebelles. À l’été 2013, certains ont même signé une pétition pour demander une intervention des forces du régime. En vain.
"Le Krak des Chevaliers n’est pas un point éminemment stratégique pour le pouvoir syrien", observe Fabrice Balanche. "Le fort et les villages à ses pieds sont situés loin de l’autoroute qui relie Damas au littoral", poursuit le chercheur, expliquant ainsi en partie pour quelle raison l’armée syrienne n’avaient pas cherché à reprendre le fort plus tôt. En outre, "tant qu’ils étaient présents, les rebelles représentaient une menace pour les villages environnants qui a contribué à pousser encore plus les chrétiens et les alaouites dans les bras du régime", relève-t-il encore. En effet, face au risque encouru, de nombreux villages se sont dotés de milices de défense pro-régime, formées par des habitants, inexistantes avant l’arrivée des rebelles.
Le régime syrien sort d’autant plus auréolé de gloire, qu’il a remporté cette victoire sans bombarder la citadelle millénaire. Les images diffusées par les télévisions ne montraient ainsi pas de dégâts majeurs. "L’armée sait que si elle avait bombardé le fort, cela aurait été retourné contre elle par l’opposition. Ils se sont donc contenter de frapper les deux villages en dessous. Mais leur stratégie a été comme ailleurs, d’assiéger la zone, de façon à pousser les rebelles à fuir, et les ont ensuite éliminés dans la plaine", explique Fabrice Balanche. Pour lui, "après les victoires remportées dans le mont Qalamoun récemment, la prise du Krak des Chevaliers est en somme plus symbolique que stratégique".