![Viktor Ianoukovitch, le colosse ukrainien de nouveau fragilisé Viktor Ianoukovitch, le colosse ukrainien de nouveau fragilisé](/data/posts/2022/07/19/1658202900_Viktor-Ianoukovitch-le-colosse-ukrainien-de-nouveau-fragilise.jpg)
Le président ukrainien Viktor Ianoukovitch a perdu cette semaine la légitimité qu'il avait acquise lors de son élection en 2010. Retour sur le parcours d'un ambitieux qui a déclenché deux révoltes successives dans son pays. Portrait.
Viktor Ianoukovitch risque de perdre une seconde fois le pouvoir en Ukraine. En 2004, sa victoire frauduleuse à la présidentielle avait déclenché la Révolution orange et il avait été contraint de laisser son rival, Viktor Iouchtchenko s'installer à la tête du pays.
L'opposant Vitali Klitschko a annoncé, par l'intermédiaire de sa porte-parole, qu'il allait présenter prochainement un texte au Parlement pour réclamer la démission du président Viktor Ianoukovitch.
Avec Reuters
Presque dix ans plus tard, en renonçant le 21 novembre 2013, sous la pression de la Russie à la signature d'un accord d'association avec l'Union européenne, il déclenche un deuxième vent de révolte qui, cette fois, a tourné au bain de sang. Car contrairement à la Révolution orange, ce soulèvement populaire restera marqué par la violence, les tortures et passages à tabac de militants mais aussi les tirs à balles réelles des policiers sur les manifestants.
"Ianoukovitch restera dans l'Histoire comme un président renversé à deux reprises par la rue. Il ne prendra plus le pouvoir", indique l'analyste politique ukrainien Vadim Karassev. Une impopularité soulignée également par l'écrivain Andreï Kourkov.
"Aucun homme politique ukrainien n'a récolté tant de haine dans le pays et n'a été si peu respecté à l'étranger", a-t-il ainsi souligné lors d’une interview accordée à l’AFP en décembre.
"Peu respecté à l’étranger"
Orphelin élevé dès l’âge de deux ans par sa grand-mère dans une extrême pauvreté, sa jeunesse ne se déroule pas sans heurts. À 18 ans, il est condamné pour vol, puis une nouvelle fois dans le cadre d'un viol collectif pour lequel il purgera trois ans de prison. Qu’importe son passé de voyou, ses hautes ambitions sont toujours là. "Il est intelligent et débrouillard, formé à l'école de la rue. Il sait être ferme et impitoyable", souligne Matthew Rojansky, directeur de Kennan Institute basé aux États-Unis.
Le mécanicien, puis le patron d'une entreprise de transport, est bientôt nommé gouverneur de Donetsk en 1997 - à une époque où les luttes de clans ponctuées de règlements de compte faisaient rage pour le contrôle des usines métallurgiques de la région - avant de devenir Premier ministre (2002-2004) sous l'ancien président Leonid Koutchma.
Autant de condamnations qui seront effacées de son casier judiciaire lorsqu'il briguera la présidence en 2004. Mais, entachée de fraudes, l'élection présidentielle est annulée sous la pression des manifestants lors de la Révolution orange. L’homme se tourne alors vers des conseillers en communication américains pour gagner une nouvelle stature. Russophone de naissance, il améliore sa maîtrise de l'ukrainien.
Un président amateur de luxe
En 2010, Viktor Ianoukovitch remporte la présidentielle face à sa charismatique rivale Ioulia Timochenko. Installé à son siège de président, Ianoukovitch n’oublie pas de faire profiter la famille de son pouvoir. Un puissant clan politico-financier réunissant plusieurs de ses proches est soupçonné de s'enrichir grâce à son influence et par la corruption. Son fils, Olexandre, dentiste reconverti en homme d'affaires, et l'actuel Premier ministre par intérim Serguï Arbouzov, profitent ainsi des largesses présidentielles.
Et puis ses goûts de luxe font jaser. L'opposition et les médias ukrainiens n'ont cessé de dénoncer notamment son imposante résidence à Mejiguiria, près de Kiev, alors que le pays est en crise.
Peu de temps après le début de son mandat, le président, appelé "l’homme de Moscou", entame un rapprochement avec l’Union européenne. En 2011, Ioulia Timochenko est condamnée à sept ans de prison pour abus de pouvoir, une affaire dénoncée par l'opposition comme un acte de vengeance de la part de Viktor Ianoukovitch, qui a provoqué une grave crise entre Kiev et l'UE.
"L’homme de Moscou"
Fin 2013, après plusieurs rencontres avec le président russe Vladimir Poutine, Viktor Ianoukovitch renonce à la signature de l’accord avec l’Europe, au profit d'un rapprochement avec la grande voisine russe. Un revirement qui pousse les Ukrainiens à descendre dans la rue pendant plusieurs semaines.
Aujourd’hui dirigeant d'un pays européen de 46 millions d'habitants, Viktor Ianoukovitch est passé, depuis quelques semaines dans la catégorie restreinte des dirigeants responsables de "violences massives" contre leurs citoyens, ajoute Matthew Rojansky. Depuis le mardi 18 février, 77 personnes ont trouvé la mort dans les affrontements avec les forces de l’ordre, selon le ministère ukrainien de la Santé. "Il a du sang sur les mains", a ainsi dénoncé sur son compte Twitter Carl Bild, le ministre suédois des Affaires étrangères.
Laurent Fabius, le chef de la diplomatie française, qui avait participé la nuit précédente, de jeudi à vendredi, à des négociations marathon avec Ianoukovitch pour mettre fin aux scènes de guerre civile dans la capitale ukrainienne a dit de lui : "Avec le président Ianoukovitch, je ne suis pas sûr que vous passeriez vos vacances. C'est un homme habitué au pouvoir, qui ne le partage pas".
Avec AFP