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La question cubaine s'invite au Sommet des Amériques

Favorable à la levée de l'embargo sur Cuba, le président vénézuélien Hugo Chavez devrait censurer la déclaration finale du Sommet des Amériques, où Barack Obama va, pour la première fois, rencontrer ses homologues d'Amérique latine.

Le cinquième Sommet des Amériques est pour le président américain, Barack Obama, la toute première occasion de rencontrer la plupart des 33 chefs d’État élus démocratiquement d’Amérique latine et des Caraïbes. Washington a constaté la diminution de son influence sur cette région au cours des dernières années et met en place des stratégies pour changer cette tendance.


En prélude à ce Sommet, qui se tient à Trinidad et Tobago du 17 au 19 avril, Barack Obama a fait un geste historique envers Cuba, levant toutes les restrictions sur les voyages et les transferts d’argent vers l’île de la part des Cubains vivant aux Etats-Unis. Le président américain suscite ainsi de fortes espérances sur cette réunion, qui pourrait représenter un tournant majeur dans les relations entre les pays du continent américain.


Barack Obama a déjà rencontré individuellement les dirigeants du Mexique et du Brésil, mais pas encore ceux des autres pays d’Amérique latine. La majorité d’entre eux s’oppose par ailleurs de manière virulente à l’oncle Sam, promettant de contrer toute initiative issue de Washington.


Avant même les changements opérés sur la politique d’embargo, la Maison Blanche a réalisé de réels efforts afin de trouver le ton du compromis avec ses voisins du Sud. Lors d’une conférence au Chili en mars, le vice-président américain, Joe Biden, assura à ses collègues que "le temps où les Etats-Unis imposaient de façon unilatérale, où nous parlions sans écouter, est révolu".


Le Sommet doit se conclure sur la déclaration de Port-d’Espagne, un document de consensus concernant les principaux sujets de préoccupation dans la région, dont le développement économique, l’environnement ou le crime urbain. Cette déclaration est l’objectif officiel du sommet mais elle restera probablement secondaire par rapport aux problèmes cruciaux que sont Cuba et la crise financière mondiale.


Ouverture vers Cuba


Malgré l’annonce des nouvelles mesures concernant les Cubains vivant aux Etats-Unis, l’île reste le seul pays de la région qui ne soit pas invité au Sommet des Amériques.


D’après Nelson Cunningham, ancien conseiller spécial du président américain Bill Clinton, le but politique - amener la démocratie à Cuba - n’a pas changé. Néanmoins, les stratégies employées jusqu’ici ne trouvent plus de partisans, même parmi les républicains. "L’environnement politique vis-à-vis de Cuba a changé, et cela pourrait ouvrir la voie à davantage de décisions importantes de la part de Barack Obama", explique Cunningham, qui gère dorénavant McLarty Associates, une firme de consultants implantée à Washington.


S’il est peu probable que le président américain annonce la fin de l’embargo lors du sommet, il va toutefois se heurter à d’insistantes demandes en ce sens. Une réponse encourageante de sa part aurait de larges répercussions positives sur ses autres relations tumultueuses dans la région.


Le challenge d’Hugo Chavez


Un résultat concret qui pourrait provenir du sommet serait une normalisation complète des relations diplomatiques avec Caracas et La Paz. Bien que le président vénézuélien, Hugo Chavez, ait déclaré que son pays était "prêt à entamer un rapprochement", sa position ainsi que celle de son homologue bolivien, Evo Morales, vis-à-vis des Etats-Unis restent à définir.

"Obama représente un véritable test pour Chavez et Morales, détaille Cunningham. Ils s’étaient habitués à utiliser le personnage de George W. Bush pour encourager les sentiments anti-américains chez leurs concitoyens. Mais s’ils choisissent de poursuivre la confrontation avec les Etats-Unis, ce sont eux qui prennent alors le risque de se retrouver essoufflés et isolés dans la communauté inter-américaine."


Renforcer le commerce durant la crise


A Trinidad et Tobago, Barack Obama pourrait chercher à promouvoir les accords de libre-échange avec les Etats-Unis, là où les administrations précédentes ont régulièrement échoué. Ces accords pourraient se révéler alléchants pour des gouvernements craignant d’affronter seuls la récession mondiale.


Les pays d’Amérique latine et des Caraïbes subissent, eux aussi, les effets du ralentissement de l’économie mondiale, souffrant notamment de la chute du prix des exportations du pétrole et du gaz, mais également du fort déclin des envois d’argent de la part des immigrants vivant et travaillant aux Etats-Unis.

L’administration d’Obama cherche à obtenir rapidement un accord commercial avec le Panama. Un accord plus délicat avec la Colombie pourraient être en bonne voie.

"Le président colombien Alvaro Uribe est un homme très intelligent et bénéficie de très bons conseils de la part de son ambassadeur ici, affirme Cunningham. Je pense qu’il y a toutes les chances qu’un accord de libre-échange passe l’étape du Congrès. La Colombie s’en retrouvera avec des relations renforcées avec l’administration d’Obama."


Les efforts favorisant une meilleure intégration économique en Amérique latine, en dehors de la sphère de l’Amérique du Nord, n’ont connu que des résultats mitigés, et la récession mondiale pourrait pousser les plus fervents nationalistes du Sud à reconsidérer un rapprochement avec les Etats-Unis.

Dans ce contexte, Barack Obama est conscient qu’il ne peut pas arriver à Trinidad et Tobago avec un grand plan pour "sauver" l’Amérique latine, ou avec une nouvelle version du pacte de l’Alliance pour le progrès économique hérité de John F. Kennedy. Le président américain doit encore prouver à ses collègues du Sud que son administration apportera un progrès significatif à la traditionnelle alliance Nord-Sud.