
Les Bangladais ont voté, dimanche, lors de législatives boycottées par l'opposition et marquées par l'attaque de plus de 200 bureaux de vote. Au moins 18 personnes ont été tuées lors de heurts. Les résultats sont attendus lundi.
Les Bangladais étaient appelés aux urnes, dimanche 5 janvier, pour des élections législatives à haut risque, au terme d'une campagne marquée par les violences qui a fait plus de 100 morts, dont au moins 18 pour la seule journée du scrutin. Plus de 200 bureaux de votes ont été saccagés et incendiés à travers le pays.
Deux des personnes tuées ont été battues à mort en protégeant les bureaux de vote dans des districts du nord du pays où se trouve notamment la ville de Bogra, fief de l’opposition. Les autres victimes fatales de ces heurts sont des militants de l'opposition abattus par les forces de l'ordre et un chauffeur de camion qui a péri dans son véhicule incendié par des assaillants.
"Nous avons vu des milliers de manifestants attaquer des bureaux de vote et notre personnel en faisant usage de cocktails Molotov et de bombes incendiaires", a déclaré à l'AFP le chef de la police de Bogra, Syed Abu Sayem. Selon le chef de la police de Parbatipur, dans le nord, des "milliers" de manifestants munis de "pistolets et de petites bombes" ont attaqué la police qui a dû riposter. "C'était une attaque coordonnée. Ils ont réussi à s'emparer de bulletins de vote et ils ont essayé de voler nos armes", a affirmé Mokbul Hossain.
La Première ministre assurée de rester
Durant toute la campagne, le principal parti d'opposition du pays, le Parti nationaliste du Bangladesh (BNP), dirigé par Khaleda Zia, ex-Première ministre, avait appelé les Bangladais à boycotter le scrutin et avait refusé de faire concourir ses candidats.
Quasiment sans concurrence, l'actuelle Première ministre du Bangladesh, Sheikh Hasina Wajed, est donc assurée d'être reconduite, les candidats de son parti, la Ligue Awami, ou de ses alliés se présentant seuls dans 153 circonscriptions sur 300.
Le BNP, qui a réclamé en vain la mise en place d'un gouvernement neutre et provisoire avant l'organisation d'élections, a décidé d'appeler à une grève de 48 heures pour protester contre "la farce électorale" et la répression, qui a fait, selon elle, 22 morts dans ses rangs. Pour tenter de faire dérailler le processus électoral, la chef de l'opposition, Khaleda Zia, avait déjà organisé des grèves et des manifestations qui ont fait 150 morts et le déploiement massif de quelque 50 000 soldats n'a pas suffi à mettre un terme aux troubles.
La légitimité du scrutin en question
La rivalité entre Hasina Wajed et Khaleda Zia a empêché tout compromis entre les deux femmes. La chef de l'opposition est de facto placée en résidence surveillée depuis la fin décembre.
"Ces élections ne vont nullement contribuer à résoudre le blocage que nous observons depuis quelques mois", souligne Iftekhar Zaman, directeur pour le Bangladesh de Transparency International, l'ONG spécialisée dans la lutte contre la corruption. "Le Parlement qui en émergera sera un Parlement sans opposition, et nous allons au devant d'une très grave crise de légitimité", ajoute-t-il.
Selon les observateurs, ces élections, risquent d'aggraver les violences et de faire le lit de "l'extrémisme islamique".
Faible participation attendue
L’appel au boycott et les violences électorales ont dissuadé nombre d'électeurs de se rendre aux urnes. "La participation a été faible, en partie à cause du boycott", a déclaré le chef de la commission électorale, Kazi Rakibuddin Ahmad, sans donner de chiffre précis. La participation pourrait être inférieure à celle de 26 % enregistrée en 1996 lors d'une élection truquée.
Les bureaux de vote ont fermé à 16 heures [10 heures GMT] et les résultats doivent être connus tôt lundi matin.
Le Bangladesh a connu cette année les violences les plus meurtrières depuis sa création en 1971 à la suite de son indépendance. Selon une ONG, elles auraient fait jusqu'à 500 morts depuis janvier 2013. Ce bilan comprend les victimes des heurts entre les forces de l'ordre et des militants protestant contre les condamnations à mort de dirigeants islamistes pour crimes de guerre commis en 1971. Le Jamaat-e-Islami, le principal parti islamiste du Bangladesh, a été interdit de participer aux élections.
Après l'échec de pourparlers récemment organisés sous l'égide de l'ONU, les États-Unis, l'Union européenne et le Commonwealth ont renoncé à envoyer des observateurs, affaiblissant un peu plus la crédibilité du scrutin et la position de Sheikh Hasina.
Avec AFP et Reuters