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"Ils font ce qu'ils veulent" : des Palestiniens racontent la vague d'attaques de colons en Cisjordanie
En Cisjordanie, les attaques des colons israéliens contre les Palestiniens ont atteint un niveau historique ces derniers mois. Israël affirme que ces actes ne sont le fait que de quelques individus radicaux, mais des victimes, des militants israéliens et des groupes de défense des droits humains affirment au contraire que tout un système soutenu par l'État protège les responsables.
Des colons israéliens attaquent des agriculteurs et des volontaires récoltant des olives dans une ferme palestinienne à Burin, près de Naplouse, le 8 novembre 2025. © Observateurs

Le 11 novembre, des dizaines de colons israéliens ont pris d’assaut un entrepôt laitier à Beit Lid, en Cisjordanie occupée, appartenant au groupe Al-Juneidi, une entreprise palestinienne de produits laitiers. Dans le village voisin de Deir Sharaf, le groupe a incendié des véhicules, des camions et des tentes appartenant à des Palestiniens, blessant quatre travailleurs.

Les images de vidéosurveillance de l’attaque, diffusées par plusieurs médias internationaux, montrent des hommes masqués pénétrant dans un entrepôt et mettant le feu à quatre camions-citernes. Dans un message publié sur X, le président israélien, Isaac Herzog, a qualifié les faits de "choquants et graves", attribuant la responsabilité à "une poignée d’individus violents et dangereux". Sa réaction a été publiée après que des informations selon lesquelles le même groupe de colons s’en serait également pris à un groupe de soldats de Tsahal ont circulé.

Cette vidéo publiée sur Telegram montre des colons israéliens masqués s’en prenant à une laiterie appartenant à des Palestiniens à Beit Lid, le 11 novembre 2025, incendiant véhicules et équipements. Il s'agit d'un des incidents les plus violents de l’année en Cisjordanie.

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Dans un autre incident survenu le 8 novembre dans des oliveraies de Burin, près de Naplouse, des colons ont attaqué des oléiculteurs palestiniens, plusieurs volontaires étrangers ainsi qu’un réserviste de Tsahal en repos qui apportait son aide aux agriculteurs. Les agresseurs ont également dérobé des sacs d’olives. L’affrontement a fait plusieurs blessés des deux côtés.

L'armée israélienne a reconnu les faits survenus à Burin, affirmant que "plusieurs civils israéliens ont jeté des pierres sur les personnes effectuant la récolte". Elle ajoute que ses soldats sont "intervenus pour disperser la confrontation".

Dans les deux cas, la responsabilité des attaques a été imputée à des colons issus des 160 colonies qu’Israël a établies en Cisjordanie et à Jérusalem-Est depuis 1967. Ces implantations sont illégales selon le droit international, une position que partagent de nombreux États.

Les attaques des 8 et 11 novembre comptent par ailleurs parmi les rares incidents de ce type à avoir suscité des réactions publiques de responsables israéliens. Les colons sont en effet rarement arrêtés ou poursuivis pour ce type de violences.

Des colons israéliens incendient plusieurs voitures appartenant à des Palestiniens à Jaba, au sud de Bethléem, lors d’une attaque survenue le 17 novembre 2025.

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La violence des colons en Cisjordanie atteint des niveaux sans précédent

Les attaques des colons contre les maisons, les commerces et les fermes palestiniennes en Cisjordanie n’ont rien de nouveau. Les organisations internationales enregistrent chaque année des centaines d'incidents violents de ce type depuis au moins 20 ans.

En 2006, le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations unies a recensé 115 cas, un chiffre passé à 399 en 2013. Au cours des dix premiers mois de 2025, 1 485 incidents ont déjà été dénombrés. Le mois d'octobre 2025 a vu à lui seul plus de 260 attaques de colons, un chiffre mensuel sans précédent.

Les usines, les magasins et autres commerces sont de plus en plus souvent vandalisés, mais la cible principale reste les oliveraies, car elles constituent une source de revenus cruciale pour de nombreux Palestiniens en Cisjordanie. 

Des colons israéliens vandalisent un magasin appartenant à des Palestiniens à Deir Sharaf, à l'ouest de Naplouse, le 19 novembre 2025.

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Les actes de harcèlement vont du blocage des routes d'accès et de la destruction d'arbres à des agressions violentes et armées pendant la récolte des olives. Selon un rapport de l'ONU, plus de 4 200 oliviers et jeunes arbres ont été endommagés ou détruits par des colons pendant la saison des récoltes de 2025.

"Vingt-cinq hommes masqués, armés de haches, de bâtons et de tuyaux métalliques nous ont attaqués"

Bashar Eid, un agriculteur palestinien, récoltait des olives le 8 novembre à la périphérie de Burin lorsqu'il a été attaqué par un groupe de colons de l'avant-poste de Givat Ronen. 

"Ma maison se trouve dans une zone qui appartient à l'Autorité palestinienne. Les Israéliens n'ont pas le droit d'y entrer ni d'intervenir. Vers 10 heures, nous avons été surpris par des colons descendant de la colonie située au-dessus de ma maison, environ 20 à 25 hommes masqués armés de haches, de bâtons et de tuyaux métalliques. Ils nous ont attaqués directement, moi et les bénévoles.

J'ai été violemment frappé, ce qui m'a valu trois fractures à la jambe gauche. Et non seulement ils nous ont empêchés de récolter, mais ils ont aussi volé les olives que nous avions déjà cueillies."

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"Ils font ce qu'ils veulent" : des Palestiniens racontent la vague d'attaques de colons en Cisjordanie
Settlers attacked the olive harvest on the farm of Bashar Ahmad in Burin on November 8, 2025, injuring several people. © Observers
02:53

Des colons ont attaqué la récolte d'olives de la ferme de Bashar Ahmad à Burin le 8 novembre 2025, blessant plusieurs personnes.

"Nous avons des preuves : photos, vidéos, enregistrements des attaques, tout ce qui provient des colons. Il y a une semaine, j'ai déposé une plainte officielle. Des militants israéliens m'ont conduit au poste de police, où j'ai déposé ma plainte. Mais, comme le dit notre proverbe : 'Si ton adversaire est le juge, à qui peux-tu te plaindre ?'"

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"Ils font ce qu'ils veulent" : des Palestiniens racontent la vague d'attaques de colons en Cisjordanie
This video sent by our Observer, Palestinian farmer Bashar Eid shows settlers setting fire to his olive farm in Burin. © Observers
00:31

Cette vidéo envoyée par notre Observateur, l'agriculteur palestinien Bashar Eid, montre des colons en train de mettre le feu à son oliveraie à Burin.

“Ils veulent me faire fuir de la montagne"

"Ce n'est pas la première fois qu'ils me blessent, c'est la quatrième. Chaque samedi, des colons descendent près de ma maison et l'attaquent. Ils cassent tout.  Ces mêmes colons ont déjà brûlé ou abattu environ 170 de mes oliviers.

Ils veulent me faire fuir ; ils veulent contrôler toute la montagne. J'ai un voisin qui a fui par peur et qui n'est toujours pas rentré chez lui.

Depuis le début de la guerre, le 7 octobre 2023, la violence des colons a clairement et considérablement augmenté. Ils sont autorisés à faire ce qu'ils veulent."

Selon la Banque mondiale, 16 % des agriculteurs de Cisjordanie ont cessé leurs activités agricoles en raison de problèmes sécuritaires et économiques, et deux tiers d'entre eux ont perdu la moitié de leurs revenus.

Le 13 novembre 2025, des colons israéliens ont attaqué, incendié et détruit une installation agricole appartenant à des Palestiniens à l'est de Beit Lahm.

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Si les statistiques montrent une augmentation du nombre d’attaques, les témoins directs soulignent également la montée du niveau de violence employée par les colons lors de ces incidents.

"Même lorsqu'on est présent sur place, la violence est de pire en pire" 

Yael Moav est une militante israélienne qui, avec d’autres volontaires, aide à protéger les agriculteurs palestiniens, mais aussi leurs habitations et leurs récoltes d’olives contre les attaques de colons.

"Les attaques deviennent beaucoup plus importantes et plus violentes, même par rapport à il y a deux mois. Les Palestiniens ne peuvent se rendre dans leurs champs ni récolter leurs olives que si des volontaires israéliens ou internationaux les accompagnent.

Lorsque nous sommes à leurs côtés, la violence est en général moindre. Mais les choses sont en train de changer. Au cours des six derniers mois, de nombreuses attaques violentes ont visé des Israéliens, des volontaires juifs et internationaux venus assurer une "présence protectrice" auprès des Palestiniens.

Jusqu’à cette année, si des volontaires israéliens ou internationaux étaient sur place, les colons ne les attaquaient pas. Ce n’est plus le cas. Cette année, nos volontaires ont été blessés à deux reprises lors d'attaques."

"L’armée travaille avec les colons"

"Cela me met mal à l’aise de l’admettre, mais l’armée travaille avec les colons. C’est la première année où l’armée se montre aussi active pour entraver la récolte, main dans la main avec les colons et leur violence.

Il s’agit d’une unité de réserve déployée en Cisjordanie : tous les soldats qui la composent sont eux-mêmes des colons. Ils ne sont pas là pour protéger les Palestiniens. À de nombreuses reprises, des colons ont attaqué des personnes que je connais personnellement. Elles ont appelé la police, mais celle-ci est venue les arrêter, elles — les victimes —, parce que les colons affirmaient que les Palestiniens les avaient agressées.

Nous avons des lois, des tribunaux et une police, mais cela ne fonctionne pas comme ça en Cisjordanie."

Selon un rapport des Nations unies, "près de la moitié des incidents impliquaient des forces israéliennes accompagnant ou soutenant activement des colons israéliens lors de leurs attaques".

Cette vidéo, filmée le 12 novembre, montre des colons israéliens déversant des déchets industriels au beau milieu d’une oliveraie palestinienne, dans le nord de Ramallah.

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"Le système est conçu pour protéger les colons"

Yair Dvir, porte-parole de B’Tselem, une organisation israélienne de défense des droits humains, affirme à la rédaction des Observateurs que la police et l'armée israélienne détournent régulièrement le regard lorsque des colons commettent des actes de violence.

"Le système a été conçu pour fonctionner ainsi. Lorsque des colons attaquent des Palestiniens, l’État n’ouvre pas automatiquement d’enquête. C’est la première étape de ce mécanisme.

Même lorsque des Palestiniens portent plainte, les autorités trouvent des prétextes pour ne pas ouvrir de dossier. Et même lorsqu'un dossier est ouvert, il n'y a pas vraiment d'enquête. Les excuses ne sont pas très compliquées. Si des colons tuent un Palestinien, ils affirment qu’il s’agissait de légitime défense. Cela s’est produit 21 fois au cours des deux dernières années.

Ou bien ils prétendent simplement ne pas avoir retrouvé les auteurs. Dans les rares cas où des colons sont arrêtés, ils sont rapidement relâchés."

Selon Yesh Din, une organisation israélienne de défense des droits humains, 94 % des affaires impliquant des infractions commises par des Israéliens contre des Palestiniens sont classées sans suite. "La grande majorité de ces dossiers sont clos au motif que la police n’a pas identifié de suspects ou n’a pas recueilli de preuves", indiquait le groupe en janvier 2025.

"La violence des colons est un bras officieux de l’État"

Des militants israéliens et des organisations de défense des droits humains affirment que l’État ne se contente pas de fermer les yeux sur la violence des colons : il la favorise activement. En juin, le Royaume-Uni a rejoint le Canada et l’Australie en imposant des sanctions à deux membres du cabinet du Premier ministre Benjamin Netanyahou, le ministre de la Sécurité nationale Itamar Ben-Gvir et le ministre des Finances Bezalel Smotrich. Le motif : leurs "incitations répétées" à la violence des colons.

Yair Dvir, porte-parole de B’Tselem, explique :

"L’État a instauré une impunité totale pour les colons parce qu’il souhaite que cette violence se poursuive ; il en considère les résultats comme bénéfiques. Les communautés palestiniennes quittent leurs terres les unes après les autres, c’est l’objectif de l’État. C’est pour cette raison que nous considérons la violence des colons comme une branche officieuse de la violence d’État.

Depuis l’arrivée au pouvoir du nouveau gouvernement [de Netanyahou, marqué par la présence de plusieurs ministres de l'extrême droite suprémaciste, ndlr.], et depuis que Ben Gvir et Smotrich ont pris leurs fonctions, la violence en Cisjordanie avait déjà augmenté, même avant le 7 octobre.

Chasser les Palestiniens de leurs terres fait partie du programme public de figures comme Smotrich et Ben Gvir. C’est pourquoi ils fournissent des armes aux colons, et leur donnent des drones pour attaquer et surveiller les communautés palestiniennes."

"Voilà comment les colons s’emparent si facilement des collines"

"Voilà comment les colons parviennent si aisément à chasser les Palestiniens de leurs terres : quelques jeunes colons installent une caravane au sommet d’une colline, ou même plantent une tente près d’une communauté palestinienne. Ils demandent alors la protection de Tsahal, et l’armée dépêche des soldats pour surveiller leur campement.

Rapidement, d’autres caravanes ou tentes apparaissent. Ils réclament ensuite des infrastructures de base, et le gouvernement fait construire une route, raccorde l’eau et l’électricité, et leur apporte son soutien. Dans le même temps, ils instaurent la terreur autour de la colline. Ils empêchent les Palestiniens d’accéder à leurs terres ou à leurs habitations, et si quelqu’un tente de le faire, les colons attaquent.

Les colons ont ciblé des dizaines de communautés palestiniennes et ont érigé 144 nouveaux avant-postes de ce type à travers la Cisjordanie au cours des deux dernières années, s’emparant de centaines et de centaines d'hectares de terres palestiniennes."

Cet article est une traduction de l'anglais. Retrouvez l'article original sur le site de France 24 en anglais :