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Quelles issues pour Christophe Gleizes après un verdict qui sidère ses proches ?
Au lendemain de la confirmation en appel de la condamnation à sept ans de prison pour "apologie du terrorisme" du journaliste français Christophe Gleizes, détenu en Algérie depuis juin, ses proches oscillent entre stupeur, bataille judiciaire et espoir d’une grâce présidentielle.
Cette photo non datée, fournie par la famille Gleizes et publiée le 30 juin 2025, montre le journaliste Christophe Gleizes. © So Press/RSF via AFP

Le silence qui a suivi l’annonce du verdict en disait long. Dans la salle d’audience d’Alger, où la cour d’appel a confirmé mercredi 3 décembre la peine de sept ans de prison de Christophe Gleizes, ses parents se sont effondrés. "Nous sommes encore sous le choc", souffle à RFI sa mère, Sylvie Godard, qui espérait un allégement de peine, voire un acquittement. "On se disait qu’il aurait du sursis, mais certainement pas une nouvelle condamnation à sept ans." 

La déception est d’autant plus brutale que l’entourage du journaliste pensait le contexte favorable. La récente grâce présidentielle accordée à l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal avait nourri un mince espoir d’ouverture. "Le verdict est violent", estime Francis Godard, son beau-père. Il dénonce "l'attitude d’une violence extrême" de la partie civile et du procureur, convaincu que l’objectif était de présenter Christophe Gleizes comme "complice d’une opération criminelle". 

Arrêté en mai 2024 à Tizi Ouzou alors qu’il préparait un reportage sur le club de la JS Kabylie (JSK), Christophe Gleizes est accusé par les autorités d’avoir été en contact avec un responsable du Mouvement pour l’autodétermination de la Kabylie (MAK), classé "organisation terroriste" en Algérie depuis 2021. Incarcéré depuis juin pour "apologie du terrorisme", le journaliste de 36 ans avait demandé mercredi la "clémence" du tribunal, reconnaissant des "erreurs", notamment celle d’être entré en Algérie avec un visa touristique plutôt qu’un visa de presse. Un mea culpa qui n’aura pas suffi. 

Au moment où la sentence est tombée, le journaliste est resté impassible, le "visage blême", racontent ses proches. "Il n’a pas flanché. Il a levé les yeux au ciel, sans rien dire", confie sa mère. La famille, elle, se ressaisit déjà : "On reprend notre combativité pour pouvoir le sortir de là le plus vite possible." 

Pourvoi en cassation ou grâce présidentielle ? 

La confirmation de la peine ouvre désormais une série de choix stratégiques pour les avocats du journaliste. La première option consiste à se pourvoir en cassation devant la Cour suprême algérienne. Ce recours, qui doit être déposé dans un délai de huit jours, est suspensif, conformément à l'article 499 du Code de procédure pénale algérien.  

Cela signifie que Christophe Gleizes pourrait être remis en liberté dans l’attente de l’arrêt de la Cour suprême, laquelle peut soit casser le jugement – avec ou sans renvoi devant une autre juridiction –, soit rejeter le pourvoi. Aucun délai légal n’encadrant strictement la durée d’examen par la Cour, la procédure pourrait s’étendre sur plusieurs mois, voire plusieurs années. 

"On peut déposer un recours en cassation et se désister à tout moment", précise sur franceinfo son avocat français Emmanuel Daoud, qui n’exclut pas de mener cette bataille judiciaire en parallèle d’une autre piste jugée potentiellement plus rapide : la grâce présidentielle. Celle-ci permettrait d’annuler la peine, sans remettre en cause la condamnation elle-même. 

Pour la famille Gleizes, cette dernière option reste le chemin le plus direct vers la liberté. "On appelle à la grâce présidentielle, on appelle à la libération dès demain", a plaidé son frère Maxime Gleizes sur France Inter. L’écrivain Boualem Sansal, lui-même libéré le 12 novembre à la suite d'une grâce présidentielle, s’est montré optimiste : "Il va sortir dans une semaine, deux semaines, il va être gracié", a-t-il assuré sur RTL, déclarant avoir passé "quelques coups de téléphone". 

Côté diplomatique, la pression semble s’intensifier. Dans un communiqué publié par l'Élysée, le président Emmanuel Macron a promis "d’agir auprès des autorités algériennes" pour obtenir la libération du journaliste, affirmant être "disponible" pour s’entretenir avec le président algérien Abdelmadjid Tebboune si cela permet d'"obtenir des résultats" et d'"avancer". Le ministre de l’Intérieur Laurent Nuñez a souligné sur France 2 que cette libération était devenue "un élément majeur" des discussions récemment relancées "entre Paris et Alger". 

Quelles issues pour Christophe Gleizes après un verdict qui sidère ses proches ?
La mère du journaliste sportif français Christophe Gleizes, Sylvie Godard, et son beau-père, Francis Godard, au siège de Reporters sans frontières (RSF) à Paris, le 27 août 2025. © Stéphane de Sakutin, AFP

Une mobilisation en expansion 

En parallèle, la famille mise sur un autre levier : la mobilisation publique. L’organisation Reporters sans frontières (RSF), très impliquée depuis l’arrestation du journaliste, veut désormais changer d’échelle. "Il faut absolument entrer dans une nouvelle phase, franchir une étape supplémentaire", estime Thibaut Bruttin, directeur général de RSF sur France 24. "Christophe Gleizes était un pion dans un jeu diplomatique qui le dépassait. Il doit devenir un enjeu diplomatique majeur." 

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Les syndicats de journalistes (SNJ, SNJ-CGT, CFDT-Journalistes, SGJ-FO) ont également dénoncé la condamnation en appel et appelé à une grâce présidentielle. "Si on devait embastiller tous les journalistes pour les contacts qu’ils ont eus (avec leurs sources, ndlr), nous passerions notre temps à essayer de les sauver", rappelle Thibaut Bruttin. "Heureusement que, dans de nombreux pays, la justice utilise le droit de la presse, plutôt qu’un code pénal absurde pour remettre en cause la qualité de journaliste de Christophe Gleizes." 

RSF appelle désormais les élus à afficher le visage du journaliste sur les façades des mairies. "L'Algérie s’est mise dans une impasse", résume Thibaut Bruttin, directeur de RSF. "Il faut maintenant que toutes les énergies se déploient pour résoudre cette situation." Sur les réseaux sociaux, certains responsables politiques français prennent position en appelant à sa libération : le leader des Insoumis Jean-Luc Mélenchon, la cheffe des Écologistes Marine Tondelier, la présidente de l’Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet, mais aussi le président LR Bruno Retailleau, qui n’était pas parvenu à obtenir la libération de Boualem Sansal lorsqu’il était ministre de l’Intérieur. 

Son visage dans les stades ? 

Ses proches misent aussi sur la solidarité du monde du football, domaine dans lequel Christophe Gleizes s’est spécialisé en tant que journaliste, en particulier sur le continent africain. Jeudi, la Ligue de football professionnel (LFP) a exprimé son "soutien total et sans réserve" à Christophe Gleizes et a appelé l’ensemble du football français "à relayer cet appel". Son entourage espère désormais que cette mobilisation gagne en ampleur, alors que jusqu’à présent, peu d’acteurs du milieu se sont exprimés. 

Ces derniers jours, seuls la Fédération française de football (FFF), le Toulouse FC, le Stade Rennais et quelques entraîneurs avaient affiché leur soutien. De son côté, Franck Annese, le patron de So Foot et employeur de Christophe Gleizes, appelle les clubs à afficher le visage du journaliste dans les stades. "Certains refusent encore, mais la mobilisation doit grandir", insiste-t-il sur RMC

Des sollicitations ont même été adressées à des figures comme Zinedine Zidane ou Karim Benzema. "J’ai contacté leurs proches, ils sont censés leur avoir parlé. J'adorerais qu’ils prennent la parole, mais je peux entendre que ce soit compliqué et délicat pour eux : ils sont Franco-Algériens, ils ont fait le choix de la sélection française. En revanche, je comprends moins les réticences des clubs, de la Ligue ou de l’UEFA", souligne Franck Annese. Pour Christophe Gleizes, les prochains jours seront décisifs : entre procédure judiciaire, pression diplomatique et bataille de l’opinion, l’issue se joue désormais sur plusieurs fronts.