Raif Badawi, un internaute saoudien emprisonné depuis plus d’un an pour "insulte à l’islam" - après avoir prôné plus de tolérance religieuse -, risque désormais, en appel, la peine de mort pour apostasie, a indiqué son avocat.
Le blogueur Raif Badawi, derrière les barreaux depuis juin 2012 et condamné en juillet 2013 à 7 ans de prison et 600 coups de fouet pour avoir prôné sur son site internet moins d’emprise religieuse dans la sphère publique, risque la peine capitale, à l'issue de son procès en appel. "Un juge du tribunal a renvoyé mercredi [25 décembre ] Raif Badawi devant une juridiction supérieure, sous l'accusation d'apostasie", a déclaré à l'AFP son avocat Walid Aboualkhair.
"Je ne pensais pas que cela pourrait se produire", a confié de son côté Ensaf Haidar, sa femme, partie vivre au Liban avec leurs trois enfants, et interrogée sur CNN mercredi. L’apostasie, le fait de renoncer à sa religion, est passible de la peine de mort, selon la charia, la loi islamique en vigueur en Arabie saoudite.
Lors de sa première condamnation, en juillet 2013, Human Rights Watch dénonçait déjà la disproportion de la peine de sept années de prison. Raif Badawi avait été reconnu coupable de "violation de la loi de 2007 sur la cybercriminalité" et "d’insulte à l’islam". "C’est une sentence particulièrement dure pour un blogueur pacifiste qui encourageait juste à un dialogue religieux", pouvait-on lire alors sur le communiqué de l'ONG.
"Libéralisation religieuse"
Pourtant, Raif Badawi est musulman. Il n’a pas changé ou renoncé à sa religion. Sur son blog créé en 2008, "Free Saudi Liberals", le jeune Saoudien essayait de changer les mentalités en invitant les internautes à débattre sur différents sujets sociétaux, il n’a jamais été question de blasphèmes ou de reniement de sa foi. Mais pour les fondamentalistes du royaume, prôner l’égalité entre les croyances et encourager une "libéralisation religieuse", équivaut à une hérésie et revient au même.
Ce n’est d’ailleurs pas la première fois que Raif Badawi est menacé par ce chef d’accusation. En décembre 2012, six mois après son arrestation, un premier tribunal avait réclamé la peine de mort du blogueur s’il "ne se repentait pas devant Dieu" et "ne renonçait pas à ses convictions libérales". Badawi avait refusé de se soumettre à une telle requête. Son dossier avait alors été transféré à une autre cour.
En janvier 2013, un nouveau juge en charge du dossier s’était déclaré incompétent. Mais avant de renvoyer une nouvelle fois l’affaire devant une autre juridiction, le magistrat avait retiré l’accusation d’apostasie du dossier de Badawi. Ce dernier l’avait convaincu d’être un bon musulman après avoir récité la chahada, la profession de foi musulmane, devant lui.
"Dis maman, il rentre quand papa ?"
Malgré cette "clémence", le blogueur saoudien n’était pourtant pas tiré d’affaire. En mars 2013, quatre mois avant sa condamnation, un fondamentaliste religieux, le cheik Abdulrahman al-Barrak, avait lancé une fatwa contre lui, le considérant comme un "non-croyant". C’est en raison de cette accumulation de menaces et de ces multiples rebondissements juridiques que sa femme avait décidé de quitter le pays en 2012 avec ses enfants pour rejoindre le Liban.
Depuis, Ensaf Haidar se bat pour que son mari recouvre la liberté. "J’ai l’impression que le monde entier est contre moi", a-t-elle déclaré en avril sur CNN. "Ce qui me contrarie le plus est de voir mes enfants privés de leur père […] Ils me disent souvent ‘Dis, maman, il rentre quand papa ?’"
Depuis l'arrestation de son client, l’avocat de Raif Badawi dénonce également l'hypocrisie de son pays. "Le gouvernement saoudien veut montrer au monde extérieur qu’il est plus moderne, plus réformiste, plus ouvert […] mais à l’intérieur du pays, il continue de nous punir […] Et quand le gouvernement punit l’un d’entre nous, il punit tous les autres. Dans ce cas précis, il ne s’en prend pas juste à Badawi, il s’en prend à sa famille et à son avenir", avait-il confié au mois d'avril.