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Kinshasa et le M23 signent un accord censé instaurer la paix dans l'est de la RD Congo

Les autorités congolaises et le mouvement rebelle du M23 ont signé un accord de paix à Kampala, capitale de l’Ouganda. Bien que porteur d’espoir, cet arrangement ne garantit toutefois pas la fin des violences dans l’est de la RD Congo.

La République démocratique du Congo (RDC) et le Mouvement du 23 mars (M23) ont signé, lundi 11 novembre, à Kampala, un accord de paix destiné à mettre fin à deux décennies de conflits dans la région des Grands Lacs. Ces violences ont tout particulièrement dévasté la province du Nord-Kivu (est de la RDC), riche en minéraux.

Vaincue par l'armée congolaise, appuyée par 3 000 hommes d’une force d’intervention des Nations unies, la rébellion du M23, essentiellement constituée de mutins tutsis de l’armée congolaise, avait annoncé, la semaine dernière, qu’elle mettait fin à son insurrection. L'ONU assure, que le mouvement était soutenu par le Rwanda et l'Ouganda, qui l'ont finalement lâchée après l'intensification des pressions internationales.

L'accord signé doit encadrer le devenir des quelque 1 700 combattants du M23 - un chiffre avancé par Kampala mais remis en question par certains observateurs - réfugiés en Ouganda, où ils croupissent dans des camps. Une centaine de rebelles blessés ont également fui au Rwanda.

Mais c’est le sort réservé à la centaine de commandants du M23 qui s'annonce plus compliqué à résoudre, notamment celui de leur leader Sultani Makenga, accusé de massacres, mutilations, enlèvements et violences sexuelles - parfois sur des enfants - et qui figure sur des listes de sanctions de l'ONU et des États-Unis. "Je pense que la question ne se pose même pas [...] Il y a un mandat d'arrêt international contre Makenga, répétait depuis plusieurs jours le porte-parole du gouvernement de RDC, Lambert Mende. L'Ouganda s'est engagé à ce que de telles personnes ne puissent pas bénéficier d'une protection".

Le rôle de l'Ouganda et du Rwanda

Les observateurs appellent néanmoins à la prudence : d'autres accords de paix, signés par le passé dans la région, n'ont pas empêché une reprise des hostilités, soit parce qu'ils n'ont pas été appliqués, soit parce qu'ils ne s'attaquaient pas aux questions de fond, que sont le retour des réfugiés et le partage des terres.

Selon l'organisation humanitaire britannique Oxfam, une réponse militaire aux groupes armés ne suffira pas. "Le gouvernement doit aussi offrir des alternatives crédibles aux combattants, qui veulent déposer les armes", affirme l'ONG. Cette dernière appelle à l'adoption d'un "programme de désarmement, démobilisation et réintégration afin de fournir aux combattants une alternative à la guerre".

D'autres soulignent en outre, que tant que les pays de la région ne retireront pas leurs pions de l'est de la RDC, rien ne changera vraiment non plus. Dans un communiqué publié le 8 novembre, une coalition d'ONG, d'associations et de syndicats du Nord-Kivu a qualifié le processus de Kampala de "non-sens" présidé "par un État agresseur, l'Ouganda", et dénoncé la prochaine "intégration formelle des criminels et des étrangers dans l'armée et dans les institutions politiques".

Fidel Bafilemba, chercheur pour l'ONG américaine Enough Project, "doute de la bonne foi [du président rwandais Paul] Kagame et [de l’Ougandais Yoweri] Museveni à lâcher prise si facilement. Et d’ajouter : "Museveni ne cache pas ses sentiments vis-à-vis du M23 quand il plaide pour leur amnistie générale [...] Le fait d'annoncer que l'Ouganda ne va pas extrader ces rebelles laisse penser à un plan B pour reconstruire cette rébellion."

L'envoyée spéciale de l'ONU pour les Grands Lacs, Mary Robinson, estime, quant à elle, que le président rwandais et son homologue ougandais, qui ont toujours nié soutenir le M23, respecteront l'accord de paix signé en février par 11 pays de la région. Pour elle, désormais, la priorité est de vaincre les rebelles hutus rwandais des Forces démocratiques de libération du Rwanda(FDLR), qui comptent dans leurs rangs des auteurs du génocide contre les Tutsis du Rwanda en 1994. Le gouvernement de Kigali, dirigé par la minorité tutsi, les considère comme une menace majeure pour la sécurité du Rwanda et des populations tutsis du Congo. Régler leur cas est donc essentiel pour rassurer Kigali, et éviter l'apparition d'une énième rébellion, soutenue par le Rwanda.

Avec dépêches