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Guantanamo : les grévistes de la faim attachés et "gavés" de force

Vivement critiquées pour la procédure d'alimentation forcée des détenus en grève de la faim depuis plus de six mois, les autorités de la prison de Guantanamo ont organisé une visite pour expliquer leur démarche à la presse.

Attachés et "gavés" de force. Trente-huit grévistes de la faim sont encore nourris de force dans la prison américaine de Guantanamo, sur l'île de Cuba. Lors d'une visite organisée cette semaine sur la base controversée, les autorités ont toutefois expliqué à la presse que cette procédure est "juste inconfortable" mais "nécessaire".

Ainsi, quand un détenu rencontre les critères de perte de plus de 15 % du poids corporel, de 21 jours consécutifs de jeûne et de symptômes cliniques établis par les autorités de la prison, il est entravé et sanglé à une chaise et se voit insérer par le nez un tube jusque dans l'estomac pour y faire passer des nutriments.

"D'abord, nous leur proposons un repas normal, quand ils le refusent, nous leur proposons d'avaler eux-mêmes la substance nutritive Ensure ; quand ils refusent encore, les gardiens les emmènent jusqu'à la chaise et les attachent", explique un aide-soignant.

Ensuite, "nous mesurons la longueur nécessaire du tube, leur proposons un gel [anesthésique] ou de l'huile d'olive", ajoute-t-il, tout en précisant au passage que "le flux alimentaire" dure 30 à 35 minutes.

Une procédure "douloureuse, humiliante et dégradante"

"Une douleur atroce", une "punition cruelle". C’est en ces termes qu’un Yéménite détenu dans la prison a récemment décrit dans une tribune au "New York Times", la procédure. Quatre autres d’entre eux ont parlé de "torture" et imploré, en vain, que soit mis un terme à ce "gavage".

"Si ces hommes ne mangeaient pas depuis six mois, aucun d'entre eux ne serait encore en vie", a expliqué de son côté le capitaine Robert Durand, en charge des relations extérieures à Guantanamo, lors de la visite. "La plupart d'entre eux se plient à la procédure, qui est conçue pour être sans douleur", ajoute le responsable.

Ce dernier rejette catégoriquement la description qu'en a fait récemment une juge fédérale, Gladys Kessler, qui avait évoqué une procédure "douloureuse, humiliante et dégradante", largement condamnée par les organisations de défense des droits de l'Homme. "Nous préservons la vie sur des bases légales", dit Robert Durand, préférant parler d' "alimentation interne" plutôt que d' "alimentation forcée".

La promesse non tenue d’Obama

Entamé le 6 février, ce mouvement de grève de la faim qui dure depuis plus de six mois est "sans précédent", selon les propres termes des autorités pénitentiaires de la base américaine. À l'origine de cette démarche, une opération de fouille début février et des Coran examinés d'une manière que les prisonniers avaient perçu comme une profanation religieuse. Mais, selon leurs avocats, c’est avant tout leur détention illimitée depuis plus d’une décennie sans inculpation ni procès que dénoncent la plupart des grévistes de la faim.

Au plus fort de la grève, en juin, le mouvement était suivi par 108 prisonniers sur les 166. Fin mai, Barack Obama a réitéré sa promesse, énoncée lors sa première campagne présidentielle, en 2008, de fermer définitivement la prison, annonçant la nomination d'un envoyé spécial chargé des rapatriements des prisonniers.

Depuis l'ouverture du camp, en janvier 2002, 779 hommes sont passés par ses geôles, mais 619 ont déjà été libérés ou transférés dans leur pays ou un pays tiers. Ces retours sont un véritable casse-tête pour les Américains qui estiment que 25 % des détenus ainsi rapatriés ont repris des activités liés au terrorisme. Emprisonnés sur des soupçons de liens ou d'activités terroristes présumées, ces détenus ont été capturés partout dans le monde par les États-Unis dans la foulée du "11-Septembre".

Avec dépêches