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Tunisie : la Constituante suspendue, l'opposition veut "la chute du régime"

L'opposition s'est massivement mobilisée dans la nuit de mardi à mercredi en banlieue de Tunis pour réclamer le départ du gouvernement dominé par le parti islamiste Ennahda. De son côté, l'Assemblée constituante a suspendu ses travaux.

"Le peuple veut la chute du régime !" Popularisé lors de la chute de Zine el-Abidine Ben Ali en 2011, ce slogan a été repris par des dizaines de milliers de manifestants tunisiens qui se sont mobilisés dans la nuit du mardi 6 au mercredi 7 août en banlieue de Tunis pour réclamer le départ du gouvernement d'Ali Larayedh, issu du parti islamiste Ennahda au pouvoir.

La coalition d'opposition, de l'extrême gauche au centre-droit soutenu par le puissant syndicat UGTT, organise chaque nuit des rassemblements contre le pouvoir depuis l'assassinat du député Mohamed Brahmi le 25 juillet, attribué à la mouvance salafiste. Cette manifestation organisée place Bardo est de loin la plus importante depuis le début de la contestation.
Ennahda en accord avec la suspension de la Constituante

Ennahda a annoncé mercredi 7 août accepter la suspension des travaux de la Constituante et appelé à un dialogue avec ses adversaires pour aboutir à "un gouvernement d'union" et sortir le pays de la crise.

"En dépit de nos réserves formelles et juridiques sur cette initiative [de suspendre la Constituante, NDLR], nous espérons qu'elle servira de catalyseur pour que les adversaires politiques s'assoient à la table du dialogue", précise le communiqué signé du chef du parti islamiste, Rached Ghannouchi.

Ennahda fixe également un calendrier de reprise des travaux de l'Assemblée nationale constituante, souhaitant que l'adoption de la Constitution et de la loi électorale se fassent "avant fin septembre 2013", et réclame "l'organisation d'élections avant la fin de l'année".

Les manifestants, qui étaient au moins 40 000 vers 22h30 (21h30 GMT), selon une source policière, et 100 000 à 200 000 personnes, selon des représentants de l'opposition, scandaient également "le gouvernement va tomber aujourd'hui".

La manifestation avait pour but de marquer les six mois qui ont suivi l'assassinat de l'opposant Chokri Belaïd, tué le 6 février. La mort de ce dernier avait entraîné la chute d'un premier gouvernement dirigé par Ennahda. Il s’agissait également de répondre au rassemblement d’une dizaine de milliers de partisans du parti islamiste organisé samedi dans le centre de la capitale.
"Les Tunisiens en ont marre"
Outre la démission du gouvernement, l'opposition réclame aussi depuis plusieurs mois la dissolution de l'Assemblée nationale constituante (ANC) qui, 21 mois après son élection et deux ans et demi après la révolution, n’a toujours pas terminé de rédiger le projet de Constitution et la nouvelle loi électorale. Or quelques heures avant la manifestation, Mustapha Ben Jaafar, le président de la Constituante tunisienne a annoncé la suspension des travaux de l’ANC, dans le but de forcer les islamistes au pouvoir et l'opposition à négocier.
"J'appelle tout le monde à participer au dialogue [...]. Les Tunisiens en ont marre", a déclaré Mustapha Ben Jaafar au cours d'une allocution télévisée. "J'assume ma responsabilité de président de l'ANC et suspends les travaux de l'Assemblée jusqu'au début d'un dialogue [entre pouvoir et opposition] et cela pour le bien de la Tunisie", a-t-il annoncé. Ni le gouvernement, ni la présidence n'avaient réagi dans la soirée, alors que dans les rangs de l'opposition on évoquait une initiative positive mais insuffisante.
"C'est un premier pas vers l'apaisement [...] mais ce n'est pas suffisant, il faut aller jusqu'à la dissolution de l'ANC et la chute du gouvernement", a souligné Mahmoud Baroudi du parti Massar.
"Les manifestations ne changent pas les gouvernements"
"Ce que Ben Jaafar a fait, fait partie d'un coup d'État interne. C'est un coup d'État inacceptable", a déclaré Nejib Mrad à la chaîne de télévision Al-Moutaouassit.
Les islamistes, de leur côté, ont rejeté ces revendications, proposant en retour d'élargir la coalition gouvernementale et des élections en décembre. "Dans les régimes démocratiques, les manifestations ne changent pas les gouvernements", a jugé Rached Ghannouchi, chef d'Ennahda dans le journal "La Presse". Ce dernier, dans un entretien accordé à Reuters, s'est dit favorable à la tenue d'un référendum et à des discussions avec ses adversaires politiques.
Commentant la foule réunie mardi soir place Bardo, Mongy Rahoui, un dirigeant Front populaire, une coalition de partis d'opposition, a déclaré : "Ces foules par légion sont une réponse à Ghannouchi et nous lui disons que nous sommes prêts pour un référendum [...] Nous sommes ceux avec la légitimité de la rue. Votre légitimité est une contrefaçon."
Avec dépêches