Après Washington, Paris a fermé son ambassade au Yémen, depuis dimanche, pour cause de risques d'attentats. Des organismes de surveillance américains rapportent que la France est l'une des principales cibles d’Al-Qaïda dans la péninsule arabique.
Les capitales occidentales sont en état d’alerte. S uite aux informations des États-Unis, le 2 juillet, faisant état d’un risque élevé d’attentats terroristes, la France, la Grande-Bretagne et l'Allemagne ont annoncé qu'elles fermaient leurs ambassades à Sanaa dimanche et lundi. Le président français François Hollande a toutefois précisé, samedi, que la fermeture de sa représentation au Yémen pourrait durer "plusieurs jours". "Nous sommes informés directement et indirectement de menaces qui concerneraient nos implantations à l'étranger voire nos ressortissants, menaces venant d'Al-Qaïda", a précisé le chef d’État, qui a appelé les quelque 600 ressortissants français au Yémen "à prendre les plus grandes précautions dans leurs déplacements sur le territoire".
De son côté, Washington a annoncé dimanche la prolongation de la fermeture de certaines des 25 représentations diplomatiques situés dans le monde arabe, en Israël ainsi qu'en Afghanistan et au Bangladesh jusqu'au samedi 10 août par mesure de sécurité après des menaces crédibles de la part d'Al-Qaïda.
"La France et les autres pays européens n’ont pas suivi le mouvement massif de fermeture d’ambassade donné par les États-Unis", observe Anne Giudiccelli, spécialiste des risques politico-sécuritaires, fondatrice de l’organisme Terrorisc. "Cela signifie que les Européens considèrent comme fiables les informations dont disposent les Américains sur le Yémen en particulier", explique-t-elle, rappelant la coopération entre les autorités américaines et yéménites sur le plan sécuritaire.
Des sources au sein des services de sécurité américains, s'exprimant sous le sceau de l'anonymat, ont en effet précisé que la menace avait un lien avec Al-Qaïda dans la péninsule arabique (Aqpa), groupuscule basé au Yémen. Né en janvier 2009, cette branche d’Al-Qaïda se caractérise notamment par une communication prolifique. Aqpa est, entre autres, à l'origine d'une tentative d'attentat manqué contre un avion de ligne reliant Amsterdam à Detroit à Noël 2009.
La France, cible d'Aqpa
Par ailleurs, Intel Center, un organisme américain de surveillance du risque terroriste a rapporté dimanche que le nom de la France revenait souvent dans les messages d’Al-Qaïda dans la péninsule arabique (Aqpa). Selon eux, la France est le second pays occidental le plus cité après les États-Unis.
Pour Anne Giudiccelli, cette information n'est pas surprenante. "La France s’est distinguée avec l’intervention au Mali dont l’objectif affiché était la lutte contre les réseaux djihadistes", explique-t-elle.
On aurait pourtant pu supposer que Paris serait plus ciblée par Aqmi, la branche d’Al-Qaïda active en Afrique du nord. "C’est vrai que la France est une cible d’Aqmi, explique Anne Giudicelli, mais on a pu observer depuis quelques années une certaine internationalisation de ces mouvements". Ainsi, dès lors qu’un pays ou une cible a été identifié comme un ennemi par Al-Qaïda, il peut être visé par n’importe quelle branche de l’organisation par "solidarité". Intervenant sur le plateau de FRANCE 24, Mathieu Guidère la rejoint sur ce point. "L’opération au Mali a focalisé sur la France l’attention des réseaux djihadistes un peu partout dans le monde", remarque-t-il également. Outre cette approche globale, Anne Giudiccelli évoque l’existence d’"alliances" entre les divers groupes de djihadistes, qui peuvent expliquer que la France soit une cible pour Aqpa.
La spécialiste souligne par ailleurs que le risque terroriste est décuplé par l’instabilité actuelle dans la région : "Il y a une grande instabilité dans la région notamment en Irak, en Syrie, au Mali ou encore en Somalie. Autant de pays fragiles, où la faiblesse du pouvoir central donne plus d’opportunités d’actions aux mouvement djihadistes".