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Égypte : la répression contre les Frères musulmans tourne au bain de sang

Plusieurs dizaines de manifestants réclamant le retour du président déchu Mohamed Morsi ont été tués par balles, samedi au Caire, par les forces de sécurité. La tuerie a été condamnée par le vice-président égyptien Mohamed El-Baradeï.

La tension ne semblait pas prête de retomber, samedi 27 juillet au Caire, après l’annonce par le ministre égyptien de l’Intérieur, Mohamed Ibrahim, de la dispersion "très prochaine" des campements pro-Morsi au Caire. Ces déclarations font suite à un véritable bain de sang dans les rangs des Frères musulmans, dans la nuit de samedi à dimanche, dans des affrontements avec les forces de sécurité à proximité de leur campement dans le nord de la capitale égyptienne.

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Décryptage
Égypte : la répression contre les Frères musulmans tourne au bain de sang

Le nombre exact de victimes n’était toujours pas connue, samedi soir, la confrérie parlant de 120 morts et plus de 4 500 blessés alors que le ministère de la Santé faisait état de 38 morts. Un premier décompte officiel que l’un des rares journalistes occidentaux présents sur place au moment des heurts, le reporter de la BBC Quentin Sommerville, a décrit comme "surprenant" considérant ce qu’il avait vu sur place. Le journaliste britannique avait posté un peu plus tôt sur son compte Twitter des photos de manifestants grièvement blessés et de flaques de sang, évoquant des scènes de "carnage" à l’hôpital de campagne des pro-Morsi.

"Tirer pour tuer"

Les journalistes indépendants présents sur place ont également confirmé que la plupart des victimes avaient été touchées par balles au niveau de la tête et de la poitrine - un fait interprété par les responsables des Frères musulmans comme un signe de la volonté manifeste de "tirer pour tuer". La confrérie souligne que cette tuerie est le résultat direct du dernier discours du général Sissi, qui avait appelé ses partisans à manifester vendredi pour lui donner le "mandat d'en finir avec le terrorisme".

Alors que le ministre de l’Intérieur s’efforçait de rejeter la responsabilité des violences sur les Frères musulmans - en affirmant notamment que la police n’avait "utilisé que du gaz lacrymogène" -, les premières fissures commençaient à apparaître parmi les soutiens du coup d’État du 3 juillet. Le vice-président Mohamed El-Baradeï a ainsi "condamné fermement le recours à la force excessive et les morts" dans un message sur son compte Twitter. L’imam d’Al-Azhar, principale autorité de l’islam sunnite, est également sorti de sa réserve, samedi, pour condamner la mort de manifestants et demander une "enquête judiciaire urgente".

Critiques occidentales

Ces première voix dissonantes apparaissent dans un contexte politique extrêmement polarisé en Égypte. L’agence Reuters rapporte ainsi que les deux chaînes de télévision publiques ne mentionnaient guère les violences meurtrières de samedi, tandis que plusieurs journaux d’État titraient sur les manifestations de soutien au général Sissi.

Au niveau international, Londres a explicitement condamné "l’usage de la force contre les manifestants" tandis que Paris se contentait d’appeler "toutes les parties, et notamment l'armée, à la plus grande retenue".

Les critiques occidentales les plus acerbes sont venues de Washington, où le secrétaire d’État américain John Kerry a rappelé "l’obligation morale et légale de respecter le droit de manifester de manière pacifique". Un message renforcé par un coup de téléphone du secrétaire de la Défense Chuck Hagel au général Sissi condamnant les violences et enjoignant le nouvel homme fort d’Égypte à faire preuve de "restreinte" afin d'éviter un nouveau bain de sang.

Avec dépêches