
Pour la première fois en France, un internaute vient d’être condamné à une suspension de sa connexion internet en vertu de la loi Hadopi. Une décision qui intervient alors que cette sanction devrait disparaître du droit français.
Il aura fallu attendre quatre ans après la mise en place de Hadopi (Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet). Le tribunal d'instance de Seine-Saint-Denis vient de prononcer la première coupure internet pendant 15 jours pour une personne reconnue coupable d’avoir téléchargé illégalement des œuvres protégées par des droits d’auteur. Le jugement qui a été rendu fin mai, d’après le site PC Inpact qui l’a révélé en premier mercredi 12 juin, est assorti d’une amende de 600 euros.
Cette décision judiciaire intervient après les trois sommations d’usage prévues par la loi. L’internaute visé par cette procédure est soupçonné d’avoir piraté “deux œuvres”. Il n’aurait, toujours d’après PC Inpact, surtout jamais donné suite aux mises en garde sous forme de mails et de courriers. Il ne se serait même pas rendu à l’audition du tribunal saisi pour statuer sur son sort. Reste qu'il a encore 10 jours pour interjeter appel.
Jusqu’à présent, le dispositif de lutte contre le téléchargement illégal au titre de l’Hadopi n’avait donné lieu qu’à une condamnation pécuniaire en septembre 2012. L’internaute s’était alors vu infliger une amende de 150 euros pour des chansons de Rihanna téléchargées illégalement par son épouse.
Difficultés techniques
La coupure Internet est la sanction de dernier ressort prévue par la loi. La condamnation prononcée fin mai par le tribunal d’instance arrive, à ce titre, à un moment charnière de la vie troublée de la loi Hadopi, qui avait été mise en place sous la présidence de Nicolas Sarkozy. La raison d’être de cette haute autorité est, en effet, sur le point d’être vidée de sa substance. Le gouvernement compte très prochainement abroger la possibilité de suspendre, par décision de justice, la connexion à Internet. “Le décret est dans la boucle, il doit recueillir l’avis du Conseil d’État”, a confirmé à PC Inpact, la ministre française de la Culture Aurélie Filippetti.
La récente décision judiciaire pourrait, en outre, amener de l’eau au moulin de ceux qui arguent que cette possibilité de prononcer une coupure d’Internet n’est pas efficace. La suspension de la connexion est, en effet, encore loin d’être effective. La mise en œuvre de la sanction ne va pas de soi. Ce n’est, en effet, pas l’accès intégral au réseau qui peut être coupé, mais uniquement au web “public”.
En d’autres termes, le FAI (fournisseur d’accès à Internet) doit mettre en place une coupure sélective. L’internaute condamné doit pouvoir continuer à avoir accès à sa boîte mail, aux messageries instantanées et à tout ce qui relève de la correspondance électronique privée. En outre, la télévision numérique et le téléphone - qui passent souvent par les mêmes réseaux que le Net dans les bouquets trois en un - doivent être maintenus. “Tous les opérateurs ne disposent pas des capacités techniques pour effectuer une telle suspension sélective”, a reconnu Alex Türk, président de la Cnil (Commission nationale de l’informatique et des libertés) au sujet de ce casse-tête judiciaro-technique.