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Loi Duplomb : une contestation massive loin de garantir une abrogation
Lancée le 10 juillet, la pétition en ligne contre la loi Duplomb se rapprochait lundi des 1,5 million de signatures sur le site de l’Assemblée nationale. Un record qui devrait permettre l’organisation d’un débat dans l’hémicycle. Mais pour obtenir l’abrogation du texte de loi, il en faudra davantage.

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La statue représentant Jean-Baptiste Colbert devant l'Assemblée nationale, le 11 juin 2020. © Joël Saget, AFP
06:39

Le compteur ne cesse de monter et il pourrait même atteindre des sommets durant l’été. Près de 1,5 million de personnes avaient signé, lundi 21 juillet en début d’après-midi, la pétition lancée le 10 juillet contre la loi Duplomb, qui prévoit notamment la réintroduction à titre dérogatoire et sous conditions de l'acétamipride, pesticide de la famille des néonicotinoïdes – interdit en France mais autorisé en Europe. Du jamais-vu pour une procédure née en 2019 et encore peu connue des citoyens français.

"Depuis la réforme du règlement intérieur de l’Assemblée nationale de 2019, les citoyens français ont désormais la possibilité de lancer des pétitions en ligne sur le site de l’Assemblée nationale. Chaque pétition est attribuée à l’une des huit commissions permanentes de l’Assemblée et à partir de 100 000 signatures, la pétition est publiée sur la plateforme pour plus de visibilité", explique Benjamin Morel, maître de conférences en droit public à l’Université Paris-Panthéon-Assas.

"Le rapporteur nommé en commission peut alors choisir d’organiser un débat ou de classer la pétition. Et si la pétition recueille 500 000 signatures issues d’au moins 30 départements ou collectivités d’outre-mer, la Conférence des présidents de l'Assemblée nationale peut à son tour décider de l’organisation d’un débat en séance publique. Mais c’est un simple débat, il n’y a aucun vote", poursuit le constitutionnaliste.

Déposée deux jours après l’adoption de la loi sur la plateforme dédiée par Éléonore Pattery, une étudiante de 23 ans en Master QSE et RSE (qualité, sécurité, environnement / responsabilité sociétale des entreprises), la pétition en ligne demande l'"abrogation immédiate" de la loi Duplomb, qualifiée d'"aberration scientifique, éthique, environnementale et sanitaire". Elle demande également "la révision démocratique des conditions dans lesquelles elle a été adoptée" et "la consultation citoyenne des acteurs de la santé, de l’agriculture, de l’écologie et du droit".

Jamais une initiative de ce type n’avait recueilli autant de signatures et aucune pétition n’a pour le moment donné lieu à un débat dans l’hémicycle. Sur 1 905 pétitions enregistrées par l’Assemblée nationale depuis le 1er octobre 2020, une seule a jusqu’ici dépassé les 100 000 signatures : lancée en mars 2023, elle demandait la dissolution de la Brav-M, la Brigade de répression de l’action violente motorisée créée début 2019 en pleine crise des Gilets jaunes. Le texte avait obtenu 263 887 signatures en deux semaines et semblait promis à un joli score. Mais il fut classé sans suite le 5 avril 2023 par la commission des lois de l’Assemblée nationale, la majorité présidentielle balayant les arguments avancés et estimant qu’il ne s’agissait que de "décrédibiliser" les forces de l’ordre.

"Une lutte qui ne fait que commencer"

La pétition contre la loi Duplomb devrait connaître une issue différente, tant la pression politique, citoyenne et médiatique est grande. Plusieurs responsables politiques se sont exprimés en ce sens. La présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, s’est notamment dite dimanche "favorable" à l’organisation d’un débat. Et l’ancien Premier ministre Gabriel Attal, actuel patron des députés Renaissance, a affirmé lundi que "c'est très bien si ce débat peut se tenir à la rentrée parlementaire".

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"Mais ce débat ne pourra pas déboucher sur une abrogation du texte, ni même porter sur le texte de loi. Il devra porter sur le texte de la pétition, souligne Benjamin Morel. Pour que la loi Duplomb ne s’applique pas, il faudrait qu’un nouveau texte de loi soit déposé ou que le président de la République s’en mêle."

Deux options sont sur la table, selon le professeur de droit. "Emmanuel Macron pourrait demander, conformément à l’article 10 de la Constitution, une nouvelle délibération du Parlement", indique Benjamin Morel, qui précise que le résultat du scrutin pourrait toutefois être identique.

"Ou alors faire comme Jacques Chirac en 2006 avec le CPE [contrat première embauche, NDLR], qui avait promulgué la loi tout en demandant au gouvernement de ne pas publier les décrets d’application, de manière à gagner du temps pour pouvoir revenir en arrière avec un autre projet de loi", rappelle-t-il.

De son côté, la gauche se frotte les mains. Les quatre groupes anciennement alliés sous la bannière du Nouveau Front populaire ont promis de maintenir la pression à l'automne pour obtenir l'abrogation de la loi Duplomb. "C'est une lutte qui ne fait que commencer", a prévenu lundi matin la députée écologiste Sandrine Rousseau sur franceinfo.