Selon le "Washington Post", les services de renseignement américains ont saboté la sortie en ligne du dernier numéro d'"Inspire", outil de propagande pour les apprentis djihadistes.
La dernière publication d’"Inspire", le magazine en ligne d’Al-Qaïda ne s’est pas déroulée comme prévu. Lors de sa mise en ligne le 14 mai sur un forum djihadiste, le 11e numéro est sorti dans une version tronquée. La deuxième page était manquante, tandis que les 20 pages suivantes étaient entièrement blanches.
D’après le "Washington Post", ce sabotage est le résultat d’une opération menée par les services de renseignement américains. Même si la NSA et la CIA ont refusé officiellement de commenter cette action, un agent a confirmé au journal ce piratage qui visait à déstabiliser la diffusion de la propagande du groupe terroriste islamiste : "Vous pouvez compliquer leur distribution ou vous pouvez mettre la pagaille dans leur contenu. Vous pouvez le faire d’une façon évidente ou non".
Hommage aux frères Tsarnaev
Cette opération a été décidée après le double attentat perpétré lors du marathon de Boston le 15 avril. L’un des suspects, Djokhar Tsarnaev, a en effet raconté au FBI après son arrestation qu’il avait appris avec son frère Tamerlan à concevoir des bombes à partir de cocottes-minute grâce aux indications du magazine "Inspire". La revue avait ainsi publié en 2010 un guide du parfait apprenti djihadiste dans un dossier intitulé "Comment fabriquer une bombe dans la cuisine de maman". Le jeune homme a par ailleurs expliqué aux enquêteurs qu’il avait été influencé par les sermons de l’imam américain Anwar al-Awlaki, responsable du magazine jusqu’à sa mort au Yémen en septembre 2011 dans l’attaque d’un drone américain.
Les responsables d'"Inspire" n’ont pas tardé à reprendre à leur compte ces révélations de Djokhar Tsarnaev. Alors que le numéro piraté par les services de renseignement américains est resté en ligne seulement 30 minutes, Al-Qaïda a publié une nouvelle version le 30 mai dans laquelle l’organisation rend hommage aux deux frères d’origine tchétchène.
Dans un article intitulé "Inspiré par Inspire", le rédacteur en chef, Yahya Ibrahim, affirme que son magazine a contribué à ces attaques. "Oui, les frères ont bien été inspiré par Inspire. Pas seulement car notre magazine propose des recettes de bombes, mais également grâce à tout son contenu". Dans ce numéro, on peut également voir un photomontage dédié à Tamerlan Tsarnaev, tué dans un assaut de la police.
Continuer ce type de sabotages ?
À cause de son impact sur des candidats au djihad, la menace représentée par ce genre de publications est prise au sérieux un peu partout dans le monde. En juin 2011, les services de renseignement britanniques (MI6) avaient déjà piraté "Inspire" pendant quelques jours. Non sans un certain humour. Lorsque les lecteurs tentaient de lire des instructions pour fabriquer une bombe, ils étaient alors réorientés vers un site de recettes de... cupcakes.
Trois ans après sa création, le "Washington Post" estime toutefois que l’influence d'"Inspire" a diminué depuis la mort en 2011 d’Anwar al-Awlaki et de son collaborateur, le rédacteur américain d’origine pakistanaise Samir Khan. Comme le note par ailleurs Michael Leiter, ancien directeur du National Counterterrorism Center, les actions de piratage à l'encontre du magazine ne sont finalement pas la bonne stratégie : "La seule façon d’être efficace est d’aider à amplifier la voix de musulmans plus modérés plutôt que de tenter de perturber des voix plus radicales".