Alors que les députés français ont adopté la mesure controversée de la loi Hadopi qui prévoit la suspension de la connexion Internet aux pirates, d'autres pays s'interrogent sur le bien-fondé d'une telle disposition.
La loi Hadopi n’a pas fini de faire parler d’elle en France. Au centre des débats, la très litigieuse question de la coupure d’accès à Internet en cas d’infractions répétées.
Si le Parlement européen s’est prononcé, le 26 mars, contre cette mesure, estimant que cela portait atteinte au droit à l’information, les députés français l'ont quant à eux adoptée, le 2 avril. Ailleurs dans le monde, les débats se poursuivent.
En Nouvelle-Zélande, le gouvernement de centre-droite étudiait un texte similaire à celui défendu, en France, par les élus UMP, avant de faire marche-arrière le 23 mars.
Comme Hadopi, la section 92a du "Copyright Amendement Act" prévoyait une coupure de la connexion du client par son fournisseur d’accès à Internet (FAI) dans des circonstances précises.
John Key, le Premier ministre néo-zélandais qui avait comparé le piratage numérique au "Wild West", plaide désormais en faveur de la création d’un code de conduite entre les détenteurs de droits d’auteurs et les FAI. "Nous pensons qu’il sera compliqué de parvenir à un code de conduite si on ne fixe pas les défauts fondamentaux de la section 92a", a-t-il déclaré.
D’autres pays ont refusé tout texte de loi prévoyant une coupure d’Internet. La ministre allemande de la Justice, Brigitte Zypries, a déclaré que "le blocage de l'accès à Internet est une sanction tout à fait inacceptable" et "constitutionnellement et politiquement très difficile" à faire accepter.
En Norvège, l‘ International Federation of Phonographic Industry (IFPI), un organisme international représentant les droits des maisons d’édition, a tenté d’imposer aux FAI la fermeture de certains sites pirates. Sans succès.
En plein procès contre The Pirate Bay, considéré par beaucoup comme le plus grand "site pirate" du monde, la Suède s'est dotée d’une nouvelle loi visant à mieux traquer les "brigands" numériques.
Entré en vigueur le 1er avril 2009, le texte autorise les maisons d’édition à demander aux FAI l’identité du détenteur d’une adresse IP utilisée pour le partage de fichiers, afin de l’avertir ou de le poursuivre.
Ludvig Werner, président de l’IFPI-Suède, estime que le pays a mis trop de temps à réglementer l’échange de fichiers numériques. "Cela crée toutes les conditions pour l’émergence d’une génération qui tient pour acquis les contenus gratuits sur Internet", déplore-t-il.
Le sondage réalisé par l’université de Lund auprès de jeunes âgés de 15 à 25 ans semble lui donner raison. Près de 75 % d'entre eux estiment que l’illégalité du piratage n’est pas une raison suffisante pour ne pas le pratiquer. Presque autant affirment qu’ils continueront le téléchargement illégal, malgré la nouvelle loi.
Martin Thörnkvist, fondateur de The Swedish Model (le "Modèle suédois"), un groupe de petits éditeurs indépendants, s’oppose à la vision néfaste du téléchargement qu’imposent les majors. "La majeure partie de nos recettes vient toujours de la vente de disques et de la diffusion des œuvres à la radio, explique-t-il. Pour autant, nous ne voyons pas le téléchargement de musique comme une concurrence, mais comme un complément."
Face au phénomène du téléchargement illégal, Martin Thörnkvist remet en cause, à l'instar de nombreux spécialistes, le modèle commercial choisi par les maisons d’édition, et non le comportement des consommateurs.