
L'Érythrée fête le 20e anniversaire de son indépendance. À cette occasion, l'Association franco-érythréenne pour la liberté et la démocratie a organisé un rassemblement devant le siège de FRANCE 24 pour dénoncer les horreurs du régime.
Ils étaient une vingtaine d’Érythréens rassemblés, ce jeudi 23 mai, devant le siège de FRANCE 24 et de RFI, à Issy-les-Moulineaux, en région parisienne. À la veille du 20e anniversaire de l’indépendance de l’Érythrée, les membres de la toute jeune Association franco-érythréenne pour la liberté et la démocratie ont voulu faire entendre leur voix. "Puisque les médias ne viennent pas à nous, c’est nous qui venons à eux !", explique Saleh Adam, l'un des fondateurs de l’association.
Brandissant des portraits de journalistes, d’artistes ou d’hommes politiques prisonniers ou tués par le régime d’Issayas Afewerki, le groupe a dénoncé, tantôt en langue française, tantôt en tigrigna, la brutalité de la dictature qui sévit en Érythrée à travers la lecture de plusieurs textes. "Amis Français, entendez-nous ! Nous sommes l’Érythrée qui vit encore". Sous une pluie battante, certains ont même entonné l’hymne national, comme pour mieux défier le pouvoir.
Les membres de l'"association franco-érythréenne pour la liberté et la démocratie" rassemblés devant le siège de France 24
Issayas Afewerki, du héros au despote
Les Érythréens vivent depuis 20 ans sous l'emprise d'un régime dictatorial d’inspiration marxiste tenu d’une main de fer par Issayas Afewerki, arrivé au pouvoir en libérateur au moment de l’indépendance du pays, signé le 24 mai 1993. Après une guerre longue de 30 ans avec l’Éthiopie, celui qui est aujourd'hui chef de l’État, chef des armées et chef du parti unique avait suscité, en prenant le pouvoir, les espoirs des Érythréens et de la communauté internationale. "Il avait libéré le pays, c’était un héros", se souvient le responsable de l’association. Mais la joie a été de courte durée. Le président ne fera jamais appliquer la Constitution, il n’y aura jamais d’élections, le pays de la Corne africaine ne connaîtra pas non plus de Parlement.
Aujourd’hui, le pays est bouclé, les communications téléphoniques sont surveillées, l’accès à Internet est limité et nombre d'opposants croupissent en prison. Selon un rapport d’Amnesty International publié le 9 mai dernier, 10 000 prisonniers politiques seraient détenus en Érythrée dans "des conditions atroces, inimaginables".
Indifférence de l’Occident ?
Les médias d’État tentent bien d'ériger l’Érythrée en modèle de réussite sociale où les écoles et l’accès aux soins sont gratuits. Sur le plan économique, les autorités annoncent un taux de croissance de 7,5 %. "Comment peut-on dire cela alors même qu’ils sont incapables de fournir de bilan annuel ?", s’indigne Saleh Adam.
En attendant, la population vit dans la misère. L'Érythrée fait partie des dix pays les plus pauvres du monde. Les associations humanitaires ont déserté la capitale, Asmara, et les provinces. Pour échapper à la dictature, de nombreux Érythréens quittent le pays au péril de leur vie. "On ne peut pas dire que l’Occident soit indifférent, mais il est surtout mal informé car l’Érythrée fait tout pour étouffer les informations qui émanent du pays", assure le militant associatif.
La communauté internationale reste, en effet, discrète. Elle n’est pas pressée d’intervenir en Érythrée, nation soutenue par le Qatar, de crainte de déstabiliser toute la région. Par ailleurs, la chute du régime pourrait troubler les échanges commerciaux qui s’effectuent le long de le mer Rouge. "Puisque personne ne fait rien, c’est à nous, Érythréens d’Occident, d’agir pour mobiliser les consciences", conclut Saleh Adam.