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, correspondante en Espagne – La police espagnole tente de créer un lien direct avec la population via son compte Twitter. Vidéos virales, langage "geek", le compte @policia fait un tabac sur le réseau social.

Ils sont jeunes, beaux et branchés. Dans le grand bureau du troisième étage de la direction générale de la police, à Madrid, ils dévoilent, sur fond de musique pop, des anecdotes croustillantes sur le quotidien de la police. L’équipe "réseaux sociaux" des forces de l'ordre espagnoles étonne et bouscule les préjugés sur cette institution. Tout est, bien sûr, parfaitement calculé. Et ça marche.

Le compte twitter @policia est aujourd’hui suivi par plus de 472 000 internautes. C’est le deuxième compte policier le plus suivi au monde après celui du FBI. Par comparaison, le compte officiel de la police française @PNationale fait pâle figure avec ses 3 076 followers. La recette des Espagnols est simple : un peu de provocation, beaucoup d’humour et du langage geek. Cette semaine, le post "DROGUE = CACA (même un enfant comprend ça)" a été retweeté 4 200 fois. En février, 7 784 personnes ont retweeté : "T’es un hipster ou d’une autre tribu urbaine et tu le racontes en ligne. Mais ne raconte pas toute ton intimité (etc.)". Quant aux vidéos postées sur le réseau social, certaines font le buzz, comme le clip "Bad Boys", sur lequel ont voit des opérations de police filmées caméra à l’épaule… sur fond de musique reggae.

"Il est très important d’oser, de prendre des risques. De se demander jusqu’où on peut aller, explique Carlos Fernandez-Guerra, le responsable de l’équipe. Sur les réseaux sociaux, il est très difficile de vraiment toucher les gens, de les frapper. Le public geek, les jeunes, aiment utiliser un jargon très spécifique qui est toujours ‘tape-à-l’œil’ et, de mon point de vue, il est très efficace en terme de communication." Mais si la police a adopté un langage jeune sur Twitter, ses messages sont, dans le fond, toujours très institutionnels : prévention anti-drogue, prévention sur la sécurité publique en cas de grands événements, pédagogie sur ce que l’on peut raconter ou pas sur les réseaux sociaux…

Carlos Fernandez-Guerra, le chef d’orchestre, est le seul de l’équipe à ne pas être policier. Consultant en communication, il travaille au service de la police espagnole depuis sept ans. Il a créé le compte @policia, pionnier à l’époque, dès le mois de mars 2009. "Mon chef m’a donné une totale liberté. À l’époque, Twitter n’était pas du tout connu, raconte-t-il. La démarche n’était pas très officielle au départ. Avec les gens du service qui sont tous policiers, nous avons fait nos expériences."

Pour Elisa Rebolo-Gallego, une jeune policière diplômée de sciences politiques qui fait partie du groupe, le nombre de followers du compte @policia est "une grande fierté". Le plus grand avantage de Twitter, selon elle, est d’avoir tissé un lien étroit et direct entre la police et la population. Un lien qui peut être activé en une fraction de seconde pour des appels à dénonciations ou témoignages.

Le compte a ainsi promu des "tweetredadas" (des coups de filets grâce à Twitter, NDLR), notamment une campagne de collecte d’informations sur le trafic de drogue. "Nous avons pu arrêter 300 personnes liées au trafic de drogue ces 15 derniers mois grâce à cette 'tweetredada'. Nous recevons 600 messages par mois de gens qui donnent des informations. Nous servons vraiment de pont entre la population et les groupes opérationnels de la police", conclut Elisa.

Une autre équipe de la police se charge de suivre les mouvements contestataires sur les réseaux sociaux, comme les Indignados. Mais la surveillance s’exerce dans les deux sens. Mercredi 22 mai, @acampadasol interpellait ainsi @policia : "Eh @policia, nous aussi on te surveille, et vous ne pourrez pas toutes nous arrêter." Un autre utilisateur, membre du mouvement de désobéissance civile YoNoPago, se moque de l’opération de communication de la police : "@policia tente d’humaniser la police, de laver son image à tout prix. Mais ceux qui nous mettent les menottes n’ont pas un langage geek !"