Malgré l'ouverture d'une information judiciaire dimanche pour "atteinte à la sécurité de l’Etat", le patron de presse Hichem Aboud (photo) affirme toujours que le président algérien est dans un "coma profond". Il s'en explique sur FRANCE 24.
Il persiste et signe. Désormais poursuivi par le parquet général près la cour d'Alger pour "atteinte à la sécurité de l'Etat, à l'unité nationale et à la stabilité et au bon fonctionnement des institutions", Hichem Aboud, directeur du journal francophone "Mon journal" et de son pendant arabophone "Djaridati", maintient que le chef d’Etat algérien, Abdelaziz Bouteflika, hospitalisé le 27 avril au Val-de-Grâce à Paris après un mini-AVC, est dans le "coma" et qu’il est rentré en Algérie.
Le Premier ministre algérien Abelmalek Sellal s'est exprimé, lundi soir, sur la santé du président Abdelaziz Bouteflika, via un communiqué de presse.
"Après avoir subi des examens médicaux à l'hôpital du Val de Grâce à Paris, le président de la République, dont le pronostic vital n'a jamais été engagé et qui voit son état de santé s'améliorer de jour en jour, est tenu, sur recommandation de ses médecins, d'observer un strict repos en vue d'un total rétablissement", indique le texte de cette déclaration rendue publique par l'agence APS.
Les deux quotidiens, qui consacraient leur Une de dimanche à la "détérioration" de l'état de santé du président algérien en citant "des sources médicales françaises et des proches de la présidence algérienne" n’ont pas paru le 19 mai. Accusé de censure, le ministère de la Communication algérien a affirmé dimanche par le biais de l’agence de presse officielle APS qu’il n’y avait eu "aucun ordre de censure" des journaux. "C'est le directeur de ces publications qui a initialement accepté de renoncer à leur impression après les observations qui lui ont été faites sur le non-respect de l'article 92 de la loi organique relative à l'information".
Y a-t-il eu censure ? Quel est l’état de santé du président Bouteflika? De passage en France, Hichem Aboud a accepté de répondre aux questions de FRANCE 24.
Quelles sont vos informations sur l’état de santé du président algérien ?
Jusqu’à samedi, les informations en notre possession, selon des sources que nous avons recoupées et vérifiées, disaient que l’état de santé du président Abdelaziz Bouteflika s’était nettement dégradé et qu'il se trouvait même dans un état comateux. Un coma – je reprends les termes de nos sources - qui peut durer plusieurs jours voire plusieurs semaines. Voilà ce que nous avons obtenu comme informations.
Vous dites vous appuyer sur un bulletin de santé officiel ?
Nos sources s’appuient sur un bilan de santé. Nous avons des sources médicales, militaires proches de la présidence de la République. Quand vous êtes journaliste, vous êtes à la recherche de l’information, vous multipliez les sources, vous faîtes des recoupements. Nous n'avons pas le document en notre possession, c’est notre source qui l'avait.
Mais pourquoi tout ce cinéma autour d’une maladie que l’on dit bénigne et sans séquelle ? Pourquoi ne voit-on pas le président à la télévision ? Quelques images comme ce fut le cas avec Hugo Chavez, Fidel Castro et Hosni Moubarak soigné en Allemagne ou même avec Bouteflika hospitalisé en 2005. On l’avait alors vu dans sa chambre avec son médecin personnel.
Vous vous apprêtiez dans l’édition de dimanche de Mon Journal à publier l'information selon laquelle le président algérien avait été secrètement ramené à Alger dans la nuit de mercredi. Aujourd’hui, le Quai d’Orsay nous fait savoir qu’Abdelaziz Bouteflika est toujours en France...
Le président algérien Abdelaziz Bouteflika, transferé à l'hôpital parisien du Val-de-Grâce, le 27 avril, est toujours en France, a annoncé lundi à FRANCE 24 une source au Quai d'Orsay. Aucune précision n'a néanmoins été donnée sur sa localisation exacte.
Tout est possible. Il peut être à nouveau ramené le samedi ou le dimanche. Pourquoi le Quai d’Orsay a attendu jusqu’à aujourd’hui pour donner cette information? Et pourquoi communique-t-il à la place du ministère des Affaires étrangères algérien ou à la place de la présidence algérienne ? L’Algérie, à ma connaissance, est un pays souverain, avec ses propres institutions, il doit communiquer. Or, du côté de l’Etat algérien, il n'y a rien d'officiel.
Votre journal a été censuré dimanche mais les autorités algériennes disent le contraire…
Il ne s’agit pas de censure mais d’une interdiction de parution. Samedi, j’étais en France quand on m’a appelé vers 18h30, c'est-à-dire après le bouclage pour me dire : "aidez-nous". Ce sont les termes qu’ils ont utilisés. "Aidez-nous à gérer la situation et retirez les deux premières pages" de votre journal. J’ai répondu que techniquement c’était impossible. Et puis, déontologiquement, ça ne se fait pas, je ne peux pas censurer mes journalistes. La solution pour eux étant la non-parution, j’ai dit d’accord car je n’avais pas d’autre choix. S’ils avaient laissé le journal se vendre, on n’aurait jamais eu autant de vacarme sur cette histoire. Maintenant, tout le monde en parle.
Pourquoi êtes-vous à Paris aujourd’hui ? Est-ce en raison de l'information judiciaire ouverte par le parquet pour atteinte à la sûreté de l’Etat contre vous ?
Il y a une ouverture d’enquête avec des accusations graves, c’est démesuré. Ça n’a rien à voir avec l’article, c’est pour mes déclarations sur FRANCE 24. En tant que journaliste, j’estime avoir le droit de parler de ce que j’ai comme information et de la porter à la connaissance de l’opinion publique. D’autre part, si nous colportons des rumeurs ou des informations mensongères, il aurait été facile pour les autorités algériennes de démentir et de nous discréditer en affichant tout simplement quelques images du président ou en diffusant un communiqué du médecin du président. Or, le médecin ne parle pas, la présidence ne communique pas et on ne voit pas d’images. On nous dit qu’il se repose à Paris dans un appartement ? La résidence de Zéralda (station balnéaire à l'ouest d'Alger, NDLR) ne lui suffit-elle pas ? Pourquoi les Algériens meurent faute d'accès aux soins alors que lui se permet le Val-de-Grâce ?