
Le Parlement libyen a adopté dimanche, sous la contrainte de groupes armés, une loi interdisant à tous les anciens collaborateurs du régime de Kadhafi d'occuper des postes officiels. Un vote qui pourrait mener à la démission du Premier ministre.
Ils ont finalement céder face aux pressions des milices. Les députés du Congrès national général libyen (CNG), qui fait office de Parlement dans le pays, ont adopté dimanche à Tripoli une loi controversée interdisant à tous les anciens responsables du régime déchu de Mouammar Kadhafi – ayant occupé des responsabilités de 1969 à 2011 - de briguer des postes officiels.
Depuis plusieurs jours, des groupes d'hommes armés cernaient es ministères de la Justice et des Affaires étrangères, exigeant le vote de ce texte susceptible d’écarter de toute fonction officielle le président du Congrès national, Mohamed al-Megaryef, son adjoint et une quarantaine de ses membres. Il pourrait même contraindre le Premier ministre, Ali Zeidan – qui fut diplomate avant de rejoindre l’opposition en 1980 -, à démissionner.
Après le vote du texte, des tirs de liesse ont retenti dans Tripoli pour célébrer l’événement. Les partisans de la loi ont afflué vers la place centrale de la capitale. Les islamistes du PJC, le Parti pour la justice et la construction, ont été les premiers à se féliciter de cette adoption. "Le Congrès a pris une bonne décision qui va faire baisser la tension dans la rue", a déclaré Mohamed Sawan, président de ce parti issu des Frères musulmans libyens. "Le bloc du PJC (au CNG) était le premier à demander l'adoption d'une telle loi", a déclaré à l'AFP.
"Loi extrême et très injuste"
Pour Human Right Watch (HRW), en revanche, l’adoption d’une loi sous la pression des armes est problématique. "Le CNG ne doit pas se laisser bousculer pour adopter de très mauvaises lois, parce que des groupes d'hommes armés l'exigent", a expliqué Sarah Leah Whitson, directrice de HRW pour le Proche-Orient et l'Afrique du Nord. Les milices armées avaient déclaré qu’elles seraient prêtes à étendre leurs actions à d’autres ministères si le texte n’était pas voté.
"C’est une loi extrême et très injuste, mais nous devons faire passer l’intérêt national en premier pour résoudre la crise", a confié de son côté Taoufik Breik, le porte-parole de l’Alliance des forces nationales (AFN, libérale). Opposé à cette loi, Taoufik Breik estimait surtout qu'elle avait été faite sur mesure pour exclure le chef de l'AFN, Mahmoud Jibril. Ce dernier était président du Conseil économique et social du temps de Kadhafi.
La Libye post-Kadhafi connaît depuis plusieurs mois une insécurité grandissante qui paralyse notamment les institutions et freine la transition vers la démocratie. Ce climat est notamment le fait de milices armées d’anciens combattants de l’insurrection anti-Kadhafi qui refusent obstinément de déposer les armes depuis la chute du régime en 2011.
Avec dépêches