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Le nouveau gouvernement de Netanyahou "peut exploser à tout moment"

Non sans difficultés, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou est parvenu à composer son nouveau gouvernement. Ofer Bronchtein, du Forum international pour la paix, analyse cet évènement politique pour FRANCE 24.

Au terme de 40 jours de tractations, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou a annoncé ce vendredi avoir signé des accords de coalition lui permettant de présenter son nouveau gouvernement, le 33e de l’histoire de l’État hébreu. Ces principaux partenaires seront Yaïr Lapid, chef de file de Yesh Atid (centre droit et laïque), et Naftali Bennett, à la tête du Foyer juif, parti nationaliste religieux proche des colons. Ces deux partis avaient créé la sensation lors des dernières législatives en réalisant des scores inattendus, qui rendaient impossible la création d’un gouvernement sans leur participation. En outre, pour la première fois depuis des décennies, le cabinet ne comptera aucun parti ultra-orthodoxe.

Pour analyser cet évènement politique et ses conséquences sur le plan régional, FRANCE 24 a interrogé Ofer Bronchtein, un ancien conseiller du Premier ministre israélien Itzhak Rabin, détenteur d’un passeport palestinien offert par Yasser Arafat. Ce pacifiste convaincu est à la tête du Forum international pour la paix, dont l’objectif est de promouvoir le dialogue entre Israéliens et Palestiniens.
FRANCE 24 : Pour la première fois depuis des décennies, aucun parti ultraorthodoxe ne sera représenté dans le gouvernement israélien. Qu’implique ce changement pour la scène politique israélienne?
Ofer Bronchtein : Soyons clairs, cela ne veut pas dire qu’il n’y aura pas de partis religieux au sein du gouvernement, puisque le parti de Naftali Bennett est une formation nationaliste religieuse. Il est évident que le Premier ministre Benjamin Netanyahou aurait préféré ne pas renoncer à ses fidèles alliés que sont les ultra-orthodoxes, je pense au parti Shas notamment. Ces courants, qui concentrent essentiellement leurs actions à défendre les intérêts de leur communauté, ne sont pas aussi radicaux que les colons dont est proche Naftali Bennett. Les différentes avancées enregistrées par les pourparlers de paix, au point mort aujourd’hui, s’étaient faites avec des gouvernements comprenant les ultra-orthodoxes. Par ailleurs, certains imaginent, du fait de la présence de ministres issus du parti centriste et laïque de Yaïr Lapid, que ce gouvernement est moins de droite que le précèdent. C’est faux. Le centre est centriste en matière de politique interne, mais concernant la politique internationale, le gouvernement est de droite et d’extrême-droite, malgré la large coalition composée par le Premier ministre.
Vu les concessions consenties par Benjamin Netanyahou, estimez-vous que ce dernier est affaibli politiquement ? Son gouvernement est-il viable ?
Il semble affaibli, certes, mais il dirige la coalition qui est arrivée en tête lors des dernières législatives. C’est un homme politique expérimenté, mais il va devoir faire preuve d’une grande habileté pour diriger le pays, car, au moindre désaccord entre ses composantes, il risque de faire face à une crise politique aiguë, pis, son gouvernement peut exploser à tout moment. Je pense que l’espérance de vie de ce gouvernement sera au maximum de deux ans. Et pour cause, les principaux partenaires de Benjamin Netanyahou, que sont Yaïr Lapid et Naftali Bennett, ont formé une alliance contre-nature. Pragmatiques, ils ont tactiquement compris qu’en rassemblant leurs forces, ils affichent le même poids politique que la liste commune du Likoud de Netanyaou et du parti ultranationaliste Israël Beiteinou avec 31 députés. Mais cela c’était avant. Dès demain, une fois aux affaires, leurs points de vue et leurs divergences vont éclater au grand jour. Notamment sur la question de la réduction du déficit budgétaire, chère à Lapid. Ce dernier a promis à ses électeurs de procéder à des coupes budgétaires drastiques, or quiconque veut faire des économies en Israël doit se pencher sur les domaines de la Défense et de la politique de colonisation qui coûtent cher aux contribuables. Ce qui est tout simplement inenvisageable pour Bennett, qui représente en quelque sorte les colons au Parlement. Son parti va mettre la main sur le ministère du Logement et ne manquera pas d’encourager la construction de colonies.
Sur le plan régional, ce gouvernement peut-il relancer le processus de paix avec les Palestiniens ?
Cela sera absolument impossible en présence de Naftali Bennett au gouvernement. Ce dernier s'oppose à la création d'un État palestinien et ne croit pas à un éventuel accord de paix. En outre, la communauté internationale et le président Barack Obama n’ont de cesse de demander le gel des constructions de colonies afin de relancer le processus. Il est impensable que Bennett cautionne une telle politique, il devra par conséquent quitter le gouvernement si cela arrive, ce qui ferait exploser la coalition. Dans ce cas, Netayahou pourrait se retourner vers ses anciens alliés ultra-orthodoxes s’il décide d’aller de l’avant sur cette question.