
, envoyée spéciale au Vatican – L'élection de l'Argentin Jorge Mario Bergoglio au trône de Saint-Pierre a provoqué la surprise générale. De fait, à plusieurs titres, elle constitue un choix révolutionnaire pour l'Église catholique. Analyse.
Ce fut bref et surprenant. Au terme d'un conclave exceptionnellement court, l'Argentin Jorge Mario Bergoglio a été élu pape, suscitant l'étonnement général. S'il était fortement pressenti en 2005, il ne figurait plus cette fois-ci sur la liste des "papabili".
"En 2005, il avait disputé l'élection à Benoit XVI", se souvient Frédéric Mounier, vaticaniste, correspondant de La Croix à Rome. "Mais il s'était effacé pour raisons de santé. Là, il a accepté la charge: il sait qu'il n'a pas énormément de temps devant lui [il est âgé de 76 ans, ndlr] et il accepte la mission qui lui est confiée", analyse-t-il.
Le premier jésuite sur le siège de Saint-Pierre
C'est également le premier pape venant des Amériques et issu de la communauté des jésuites. "C'est le pape des premières fois", résume Frédéric Mounier. "On assiste à une révolution dans l'histoire de l'Église catholique", explique-t-il à FRANCE 24. Et d'énumérer : "François est le premier souverain pontife non-européen depuis douze siècles, le premier jésuite à accéder au siège de Saint-Pierre, le premier également qui pourra s'entretenir avec son prédécesseur.
Autant d'inédits qui font du choix des cardinaux un tournant dans l'histoire de l'Église. Unanime, la presse sud-américaine a salué ce choix qui rend hommage au continent comptant le plus grand nombre de catholiques dans le monde.
Néanmoins, dans un article publié mercredi soir, Jean-Marie Guénois, correspondant à Rome du Figaro et spécialiste des questions de religion estime pour sa part que "le véritable message de l'élection de François réside dans le fait qu'il est jésuite et non dans son origine latino-américaine".
L'influente congrégation prend en quelque sorte sa revanche sur le Vatican en voyant l'un de ses membres devenir Saint-Père. Ses relations avec le Saint-Siège n'ont en effet pas toujours été sereines, la communauté ayant même été brièvement interdite au XVIIIe siècle.
Le fait d'être jésuite risque bien de caractériser ses actions et ses visions. "Le monde compte environ 18 000 jésuites, et ce sont les futurologues de l'Église", explique Frédéric Mounier. "Ils sont habitués à penser plus loin et plus haut que les autres", poursuit-il. "Ils sont à la fois aux côtés des pauvres, mais proches des intellectuels et captent ainsi les changements de la société", affirme le vaticaniste. "Les jésuites pensent la conjugaison de l'Église et du nouveau monde", résume-t-il, voyant dans l'élection de François le signe d'un changement.
it"Le ton donné : silence, prière et humilité"
"Avec Bergoglio, les cardinaux ont fait un pas en avant, ils n'ont pas choisi de poursuivre dans la continuité tranquille de Benoit XVI", estime Frédéric Mounier.
Les premiers mots du pape au balcon donnent d'ailleurs le ton de son pontificat, on se souvient de Jean-Paul II disant à la foule "N'ayez pas peur!". Mercredi soir, le pape François a pour sa part demandé à la foule de prier, et un silence recueilli s'est fait place Saint-Pierre. "Le ton donné a été le silence, la prière et l'humilité", commente encore Frédéric Mounier.
Il relève en outre qu'il ne s'est pas posé en souverain pontife mais en évêque de Rome. Après avoir quitté le balcon orné de velours rouge, il a refusé de monter dans la Mercedes affrétée pour lui, selon le spécialiste. Il a choisi de regagner la résidence Sainte-Marthe en bus avec tous les autres cardinaux, fidèle à son habitude – il est connu en Argentine pour prendre les transports en commun. Il est également célèbre pour son engagement auprès des plus pauvres. "C'est un retour aux essentiels, le Christ, l'évangile, la pauvreté".
Le choix de son nom n'est d'ailleurs pas anodin. François, n'a jamais été encore porté par un pape. Il fait référence à Saint François d'Assise, le poverello à qui Dieu a confié cette parole : “Va, François, et répare mon Église qui tombe en ruines“.