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Élection du pape : les femmes veulent avoir voix au chapitre

, envoyée spéciale au Vatican – Le conclave qui élira le successeur de Benoît XVI a débuté mardi après-midi au Vatican. 115 cardinaux électeurs sont désormais enfermés pour choisir le 266e pape de l’Église catholique. Un processus dont les femmes sont totalement exclues.

Elles l'attendent avec impatience. Les sœurs de la congrégation Saint-Joseph de Cluny à Rome ne veulent surtout pas être dérangées pendant le conclave qui désignera le successeur du pape Benoît XVI.

"C'est un moment plein d'émotion. C'est la dernière fois qu'on les voit, confie ainsi Sœur Dominique, le regard rivé sur le poste de télévision retransmettant en direct l'entrée des cardinaux dans la Chapelle Sixtine. Ensuite, ils font leurs affaires et nous on ne sait plus rien."

Des affaires dans lesquelles les femmes de l'Église catholique n'ont aucun droit de regard. Car ce sont bel et bien à 115 hommes - les cardinaux électeurs - qu'incombe le choix de celui qui guidera 1,2 milliard de catholiques à travers le monde. 

"La tradition catholique est plutôt misogyne, admet Sœur Dominique en souriant. On parle des cardinaux, donc du plus haut rang. Mais avant d'en arriver là, encore faudrait-il que l'Église s'ouvre aux femmes à des niveaux plus accessibles", s'indigne la religieuse. Rares sont, en effet, les femmes à des postes de responsabilités dans les diocèses. "Et quand c'est le cas, c'est en raison d'une initiative particulière d'un évêque. Il faudrait que ce soit tout simplement normal !", poursuit-elle.

"Sans les femmes il n'y aurait plus d'Église : elles font tourner la baraque"

Pour sœur Dominique comme pour sa communauté Saint-Joseph de Cluny, ne pas avoir voix au chapitre dans les affaires vaticanes est vécu comme un manque de reconnaissance pour leur action au sein de l'Église. "Sans les femmes, il n'y a plus personne dans l'Église", insiste une autre sœur. "Elles font tourner la baraque", poursuit-elle en soulignant le rôle central des religieuses pour enseigner le catéchisme ou encore aider les personnes âgées dans les paroisses.

À l'instar des religieuses de Cluny, nombreux sont ceux qui espèrent que le successeur de Benoît XVI ouvrira le dialogue sur le rôle des femmes dans l'Église, voire affrontera la question délicate de l'ordination des femmes. "C'est incompréhensible qu'une institution comme l'Église continue d'ignorer la moitié de l'humanité", se désole Anne, 44 ans, venue assister sous la pluie à l'entrée des cardinaux en conclave depuis la place Saint-Pierre.

La situation des femmes est "injuste et contre-productive"

D'autres refusent cependant de se résigner. C'est le cas du Comité de la Jupe, une association catholique fondée en 2008, qui a réuni 72 femmes au sein d'un conclave inédit à Paris, le 9 mars. "La situation faite aux femmes dans l'Église catholique est non seulement injuste et contre-productive, mais elle est la cause de l'ensemble des maux dont souffre l'Église : absence de sang neuf, asthénie, recul des valeurs morales, méfiance envers l'autre, oubli de ses aspirations", souligne la déclaration finale de ce conclave inédit.

Pour Anne Soupa, bibliste et co-fondatrice du Comité de la Jupe avec l'historienne Christine Pedotti, il faut donc "se poser les questions importantes pour l'avenir". Et celle-ci d'appeler à, "déjà, de manière très simple, redonner la parole aux femmes, en les autorisant à faire des homélies et à commenter les Évangiles", explique-t-elle dans une interview accordée au Nouvel Observateur. "Imaginez ne serait-ce qu'une dizaine de femmes cardinaux dans le conclave et cela changerait la face de l'Église".

"C'est gifler Dieu en pleine figure"

Un point de vue également partagé par Janice Sevre-Duszynska, une Américaine excommuniée par la Vatican après son ordination non-officielle par une femme évêque il y a quelques années. "Ne pas prendre en compte l'avis de la moitié de l'humanité, c'est gifler Dieu en pleine figure", estime celle-ci dans un entretien à l'AFP.

Le 8 mars, à l'occasion de la journée internationale des droits des femmes, Janice Sevre-Duszynska a été brièvement interpellée par la police alors qu'elle manifestait sur la place Saint-Pierre vêtue de son aube couleur ivoire et d'une étole verte brodée. La raison ? Les policiers entendaient vérifier "son droit de porter des vêtements liturgiques". Pas de quoi l'impressionner cependant. Janice Sevre-Duszynska compte bien être place Saint-Pierre lorsque s'élèvera la fumée blanche indiquant l'élection d'un nouveau pape. Elle allumera alors des fumigènes roses pour rappeler la piètre condition des femmes au sein de l'Église.

Le prochain pape osera-t-il révolutionner l'institution ? Rien n'est moins sûr. Aucun des 115 cardinaux électeurs et papes potentiels n'est susceptible de remettre en cause l'interdiction faite aux femmes d'être prêtres. Et ce, estime le vaticaniste Bruno Bartoloni, bien que celle-ci n'ait pas de "justification théologique solide".