
Des résultats provisoires accordent la victoire, dès le premier tour, à Uhuru Kenyatta face au Premier ministre sortant Raila Odinga, qui refuse de reconnaître sa défaite. Les chiffres officiels doivent être annoncés ce samedi.
La Commission électorale indépendante a annoncé, dans la nuit de vendredi à samedi, la victoire à l’élection présidentielle, dès le premier tour, du vice Premier-ministre sortant, Uhuru Kenyatta, avec 50,03 % des suffrages exprimés lors du scrutin du lundi 4 mars. Le fils du "père de l'indépendance" du Kenya ne dépasserait la barre des 50 % que par 4 100 voix tandis que son principal rival, le Premier ministre sortant Raila Odinga, aurait recueilli, de son côté, 43,28 % des voix. Le taux de participation s’élèverait à 86 % des 14,3 millions d'électeurs.
Dès l’annonce de ces résultats, qui doivent encore être confirmés par la Commission électorale, un concert de klaxons s’est fait entendre dans les rues de la capitale Nairobi. "Soyez patients, s'il vous plaît, car c'est une question sérieuse. Nous voulons faire en sorte que nos chiffres soient exacts", a déclaré vendredi Yusuf Nzibo, de la Commission électorale, précisant que l’annonce définitive serait faite samedi matin à 11 heures locales (9h GMT+1).
Refusant de reconnaître sa défaite, Raila Odinga entend se pourvoir en justice si l'élection d'Uhuru Kenyatta est confirmée, a prévenu, samedi, un de ses conseillers.
La lenteur du dépouillement et les "couacs" ont attisé les tensions
Jeudi déjà, la tension était montée d’un cran lorsque le parti de Raila Odinga avait affirmé que les résultats provisoires avaient été manipulés. "Le système électronique de transmission de votes a été un échec total. Et nous avons des preuves indiquant que les résultats que nous recevons ont été falsifiés. Dans certains cas, le nombre de votes dépasse celui d’électeurs inscrits", annonçait Stephen Kalonzo Musyoka, le colistier de Raila Odinga, pour qui "le processus national de comptage manqu[ait] d'intégrité et d[evait] être arrêté". La Commission électorale indépendante avait réagi dans la foulée, réfutant les accusations de fraude.
Mercredi, c’est le camp d’Uhuru Kenyatta qui avait dénoncé la lenteur du dépouillement, qui s’est déroulé sur cinq jours, et l’utilisation du système de transmission électronique des votes, affirmant qu’il était la porte ouverte à des fraudes. "Le système de comptage électronique a été abandonné, explique Stéphanie Braquehais, envoyée spéciale de FRANCE 24 au Kenya. La Commission électorale avait investi dans ce matériel très coûteux pour permettre un deuxième niveau de vérification. Ça n'a pas marché, ça a même carrément planté, comme l’a reconnu mercredi le président de la Commission électorale qui s’est tout de même voulu rassurant : les résultats reflèteront la réalité du vote."
Bien qu’elles soient contestées par les deux camps, les opérations de comptage ont globalement été considérées comme crédibles par les observateurs internationaux. La plupart des Kényans estiment eux-mêmes que le scrutin a été plus transparent que les précédents.
itAccusé de crime contre l’humanité
En 2007, l'annonce de la défaite de Raila Odinga face au président sortant Mwai Kibaki avait débouché sur les pires violences depuis l'indépendance du pays en 1963. Plus de 1 000 personnes avaient été tuées et 600 000 déplacées. Accusé d'avoir participé à l'organisation des violences, le candidat Uhuru Kenyatta est poursuivi par la Cour pénale internationale (CPI) de La Haye. Jeudi 7 mars, les juges de la CPI ont annoncé le report de son procès pour crimes contre l'humanité. Initialement fixé au 11 avril, il a été repoussé au 9 juillet.
Dans ce contexte, les États-Unis et d'autres pays occidentaux avaient prévenu, avant le scrutin, que leurs relations avec le Kenya seraient compliquées dans le cas d’une victoire d'Uhuru Kenyatta.
"Ce ne sera pas un casse-tête tant qu'il coopérera avec la CPI", assure toutefois un diplomate occidental. "Nous respectons la décision de la majorité des électeurs kényans."
Uhuru Kenyatta et son colistier William Ruto, pour leur part, contestent les accusations portées contre eux et ont promis de coopérer avec la justice internationale.