
Image amateur de Nahio, en Côte d'Ivoire, après les violences électorales du 25 octobre 2025. © France 24
Des maisons incendiées au cœur de la nuit, une personne brûlée vive et deux autres tuées par balles. Le 25 octobre, jour de l’élection présidentielle en Côte d’Ivoire, le village de Nahio, dans le centre-ouest du pays, a plongé dans l’horreur.
Pour faire barrage au quatrième mandat du président Alassane Ouattara – dont la victoire faisait peu de doute, face à une opposition morcelée et peu crédible - de jeunes militants ont tenté de bloquer la tenue du scrutin. Une journée électorale chahutée qui a dégénérée, une fois la nuit tombée, en affrontements meurtriers. Le procureur de la République a confirmé mardi 28 octobre l’ouverture d’une enquête pour établir "les responsabilités" et "en tirer toutes les conséquences".
Engrenage mortel
Ce 25 octobre, à Nahio, localité du Haut-Sassandra, de jeunes militants "ont barricadé les voies d’accès à la sous-préfecture pour empêcher le transport du matériel électoral et la tenue du scrutin" indique le procureur dans son communiqué.
Cette opération a été mené d'après les autorités par Gomelin Marcelin Digbeu, un planteur de la filière cacao, partisan du parti d’opposition de Laurent Gbagbo, le PPA-CI (Parti des peuples africains – Côte d'Ivoire). Ce dernier a orchestré des blocages dans les 15 villages de la sous-préfecture de Nahio et est parvenu à empêcher la livraison du matériel électoral dans quatre d’entre elles, d'après une source gouvernementale à France 24.
Des actions qui ont provoqué des vives tensions lors de la journée de vote puis des violences, durant la nuit, dans le village du même nom. Des affrontements au cours desquels trois personnes sont mortes, dont l’instigateur des blocages, Gomelin Marcelin Digbeu, brûlé vif. Deux autres personnes ont été tuées par balle, alors qu’une femme enceinte, blessée, a perdu son enfant. Au total, 19 personnes ont été blessées cette nuit cauchemardesque, selon les autorités.
Plusieurs maisons, des magasins et des greniers où étaient stockés des vivres ont également été incendiés lors de ces violences.

"Opération de représailles"
Pour les autorités, il s’agit d’un conflit politique local entre partisans du président Alassane Ouattara et opposants au scrutin. "Le matin, des agents de sécurisation du vote ont été agressés à la machette par des manifestants et leurs motos ont été confisquées" affirme la source gouvernementale. "Des partisans du RHDP (NDLR : le Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix, le parti au pouvoir), se sont dressés contre les manifestants provoquant un premier épisode de tensions, qui a pu être circonscrit par les forces de l'ordre. Le soir ces tensions ont repris, cette fois de manière beaucoup plus violentes".
Dans son communiqué, le procureur de la République évoque lui aussi des affrontements entre manifestants et "populations désireuses d’exercer leur droit de vote". Alertées sur les violences, les forces de défense et de sécurité se sont "immédiatement déployées sur les lieux afin de rétablir l’ordre", indique-t-il.
Contacté par France 24, un habitant du village décrit pourtant une réalité bien différente. Selon lui, les violences du soir ne seraient pas des affrontements spontanés mais une "opération de représailles" impliquant des personnes extérieures au village. Elles étaient habillés en civil et munis d’armes à feu, décrit-il.
Une autre source locale contactée par France 24 confirme : "il n'y a pas eu d'affrontements mais une attaque planifiée contre notre communauté avec des armes lourdes". Il affirme que les habitants ne comprennent pas "qu'il n'y ait eu aucune arrestation" et qu'une partie d'entre eux, par peur, refuse toujours de rentrer chez eux.
Certains acteurs "identifiés"
Sur la même ligne, les deux grands principaux partis d’opposition - le PPACI (Parti des peuples africains – Côte d'Ivoire) et le PDCI (Parti Démocratique de Côte d’ivoire) – ont accusé une "milice armée proche du pouvoir" d’avoir mené l’attaque.
Ahoua Don Mello, candidat malheureux à la présidentielle, a quant à lui dénoncé d’"énormes atrocités" commises par "des individus bien identifiables", et réclamé que "les responsables soient traduits en justice".
S’il reconnaît que des soutiens du RHDP sont impliqués dans les violences, le parti au pouvoir rejette fermement toute implication dans les évènements de Nahio. Il affirme par ailleurs que l’enquête est déjà en cours. "Les auditions ont permis d’identifier certains acteurs de ce drame de part et d’autre" affirme la source gouvernementale contactée par France 24. "Il n’y a pas encore eu d’arrestations, mais il y en aura, dans les deux camps. Tous ceux qui ont été impliqués dans ce drame vont répondre devant les tribunaux" souligne-t-elle.

 
 