
Des foules sont descendues dans les rues pour célébrer la reconnaissance du Somaliland, beaucoup brandissant le drapeau de l'État séparatiste, à Hargeisa. © Luis Tato, AFP
Les contestations affluent, samedi, après la reconnaissance officielle de la république autoproclamée du Somaliland par Israël la veille. La Somalie, l'Egypte, la Turquie, Djibouti, Washington et des organisations multilatérales comme le Conseil de coopération du Golfe (CCG), la Ligue arabe et l'Union africaine (UA) rejetent cette annonce.
A Hargueisa, capitale du Somaliland, désormais considéré par Israël comme "un Etat indépendant et souverain", des centaines de personnes ont dans la soirée envahi les rues, selon des témoins sur place. Nombre d'entre eux brandissaient le drapeau de la région séparatiste, scandant "victoire au Somaliland", ont-ils indiqué, sans préciser si ces manifestations étaient spontanées.
Le président du Somaliland Abdirahman Mohamed Abdullahi, surnommé "Irro", a salué "un grand jour pour le peuple et la République du Somaliland, une page d'or (...) dans l'Histoire de notre nation" après 34 ans de "lutte".
Des analystes régionaux ont estimé qu'un rapprochement entre Israël et le Somaliland - qui a déclaré unilatéralement son indépendance en 1991 - pourrait permettre à l'état hébreu de sécuriser son accès à la mer Rouge.
"Rejet total"
Le territoire du Somaliland (175 000 km2 soit près du tiers de la France), qui correspond peu ou prou à l'ancienne Somalie britannique, est situé à la pointe nord-ouest de la Somalie. Il a déclaré unilatéralement son indépendance en 1991, alors que la République de Somalie sombrait dans le chaos après la chute du régime militaire de l'autocrate Siad Barre.
La république autoproclamée fonctionne depuis en autonomie, avec ses propres monnaie, armée et police, et se distingue par sa relative stabilité comparée à la Somalie, minée par l'insurrection islamiste des shebab et les conflits politiques chroniques.

Mais elle n'était jusqu'alors reconnue publiquement par aucun pays, ce qui la maintient dans un certain isolement politique et économique malgré sa situation à l'entrée du détroit de Bab-el-Mandeb, sur l'une des routes commerciales les plus fréquentées au monde reliant l'océan Indien au canal de Suez. La région est en proie aux difficultés économiques (inflation, chômage, pauvreté...), mais aussi à des conflits dans l'est.
Le ministre des Affaires étrangères israélien Gideon Saar a indiqué vendredi que les deux pays allaient établir "des relations diplomatiques complètes, avec la nomination d'ambassadeurs et l'ouverture d'ambassades". Le président du Somaliland a été invité en Israël.
Mogadiscio a dans la soirée condamné une "attaque délibérée contre sa souveraineté" et averti que l'annonce d'Israël exacerbe "les tensions politiques et sécuritaires dans la Corne de l'Afrique, la mer Rouge et le golfe d'Aden, le Moyen-Orient et la région au sens large."
La Somalie a par ailleurs réaffirmé son soutien "indéfectible" aux droits légitimes du peuple palestinien. Elle "n'acceptera jamais de rendre le peuple palestinien apatride". Le ministère des Affaires étrangères de l'Autorité palestinienne s'est inquiété de cette annonce, affirmant qu'Israël "a déjà évoqué le Somaliland comme destination pour l'expulsion de représentants du peuple palestinien, en particulier depuis la bande de Gaza".
"Alliés en mer Rouge"
Interrogé par le New York Post sur une éventuelle reconnaissance par Washington, le président américain a lui répondu "non," refusant là de suivre son allié israélien. Il a ajouté : "nous allons étudier ça", avant de se demander : "Est-ce qu'il y a vraiment des gens qui savent ce qu'est le Somaliland ?".
Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, qui doit rencontrer le milliardaire républicain dans les prochains jours en Floride, a en revanche évoqué une "belle opportunité pour élargir" un partenariat entre les deux pays, notamment dans les domaines économique et agricole.
Une déclaration "conjointe et mutuelle" a été signée par les deux parties, et le Somaliland a exprimé son intention de rejoindre les accords d'Abraham, un processus qui en 2020 avait vu plusieurs pays arabes normaliser leurs relations avec Israël et une priorité diplomatique de Donald Trump.
Pour Israël, l'intérêt d'un tel rapprochement est aussi géostratégique, estime dans un récent rapport l'Institut d'études de sécurité nationale (INSS) basé à Tel Aviv.
Engagé sur plusieurs fronts régionaux depuis le début de la guerre à Gaza et l'attaque du Hamas du 7 octobre 2023, "Israël a besoin d'alliés en mer Rouge pour de nombreuses raisons stratégiques, notamment une potentielle campagne contre les Houthis" du Yémen, analyse l'INSS.
Selon une note de juillet du think-tank américain Atlantic Council, le renforcement des liens avec le Somaliland permettrait à Israël de "sécuriser son accès à la mer Rouge et de contrebalancer l'influence régionale des puissances rivales, tout en consolidant la présence de ses alliés".
Avec AFP
