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Que contient l'accord franco-algérien de 1968 que le RN veut remettre en cause ?
Sur la sellette ces derniers mois en raison des relations diplomatiques tendues entre Paris et Alger, l'accord franco-algérien de 1968 est à nouveau sous le feu des projecteurs après l'adoption jeudi par l'Assemblée nationale d'une proposition de résolution du RN appelant le gouvernement à dénoncer l'accord. Mais que contient ce traité ? Explications.
La présidente du RN Marine Le Pen assiste aux débats précédant un vote de défiance, le 16 octobre 2025, à l'Assemblée nationale à Paris. © Thibault Camus, AP

À la surprise générale, ce texte du RN a été adopté, jeudi 30 octobre, par l'Assemblée nationale. Il demande la dénonciation d'un accord franco-algérien de 1968, qui confère un statut particulier aux Algériens dont il régit les conditions de circulation, de séjour et d'emploi en France.

La proposition de résolution, adoptée à une voix près, intervient alors que Alger et Paris sont empêtrés depuis plus d'un an dans une crise diplomatique. Il fait également suite à un rapport parlementaire proposant de remettre en cause les dérogations accordées aux Algériens au nom du principe "d'égalité".

Qu'est-ce que l'accord de 1968 ?

Il s'agit d'un accord bilatéral signé le 27 décembre 1968 qui crée un statut unique pour les ressortissants algériens en matière de circulation, de séjour et d'emploi.

Le texte, qui relève du droit international et prime donc sur le droit français, écarte les Algériens du droit commun en matière d'immigration.

Ils n'ont, depuis, pas de carte de séjour en France mais des "certificats de résidence pour Algérien", dont 613 923 ont été délivrés en 2024, selon les chiffres du ministère de l'Intérieur.

Que contient l'accord franco-algérien de 1968 que le RN veut remettre en cause ?
Le ministre algérien des Affaires étrangères Abdelaziz Bouteflika quitte l'Élysée, à Paris, le 25 juillet 1968. © Max Micol, AP

Pourquoi a-t-il été signé ?

L'accord est signé six ans après la fin de la guerre d'Algérie (1954-1962), alors que la France a besoin de bras pour soutenir son économie.

Dans le décret d'application du 18 mars 1969, la démarche est justifiée par "la nécessité de maintenir un courant régulier de travailleurs", qui "tienne compte du volume de l'immigration traditionnelle algérienne en France".

Les Algériens restent aujourd'hui en France les premiers ressortissants étrangers, en nombre : on comptait 649 991 Algériens en 2024, selon les chiffres du ministère de l'Intérieur.

Quelles sont les principales mesures ?

L'accord crée un régime d'immigration favorable pour les Algériens : leur entrée est facilitée (sans qu'ils n'aient besoin de visa de long séjour), ils peuvent s'établir librement pour exercer une activité de commerçant ou une profession indépendante et accèdent plus rapidement que les ressortissants d'autres pays à la délivrance d'un titre de séjour de 10 ans.

Dans le cadre d'un regroupement familial, les membres de la famille reçoivent également un certificat de résidence de 10 ans dès leur arrivée si la personne qu'ils rejoignent possède ce titre.

Les Algériens peuvent aussi solliciter un certificat de 10 ans après trois ans de séjour, contre cinq pour les autres nationalités. En revanche, puisque leur statut est régi par ce seul accord, ils ne peuvent pas prétendre aux autres titres créés récemment, comme le "passeport talent" ou la carte "étudiant programme de mobilité".

Les étudiants algériens y perdent : ils ne peuvent pas travailler, pour un job étudiant par exemple, sans solliciter une autorisation provisoire.

L'accord a fait l'objet de trois révisions, en 1985, 1994 et 2001, qui ont débouché sur trois avenants, mais les grands principes du texte ont été maintenus, en particulier le régime dérogatoire au droit commun.

Une dénonciation unilatérale est-elle possible ?

Tout d'abord, le vote de l'Assemblée nationale n'a aucune valeur contraignante. Le gouvernement peut faire le choix de l'ignorer mais la patronne du RN, Marine Le Pen, a demandé au gouvernement de tenir "compte" du vote du Parlement. Pour ses détracteurs, le texte est devenu obsolète. Ils avancent aussi le refus de l'Algérie d'accepter des ressortissants en situation irrégulière renvoyés par la France. 

Mi-octobre, un rapport parlementaire présenté par deux députés macronistes affirme également que ce traité constitue "une rupture d’égalité" envers les autres étrangers et entraîne "un surcoût important pour nos finances publiques". Par ailleurs, les auteurs soulignaient l'absence de mesures de réciprocité, estimant ainsi que cet accord s'apparentait en réalité à "une déclaration unilatérale de la France".

Une dénonciation par décret serait donc juridiquement possible mais elle risquerait d'envenimer encore un peu plus les relations entre Paris et Alger au plus bas depuis le soutien apporté au Maroc sur le dossier du Sahara occidental par Emmanuel Macron. Le ministre de l'Intérieur Laurent Nunez a exclu cette possibilité dans une interview accordée à Europe 1, plaidant en faveur de "relations apaisées" avec l'Algérie, pour des raisons sécuritaires.

Le second scénario pourrait être celui d’une renégociation mais cette option semble peu probable à court terme en raison de l'opposition d'Alger à toute remise en cause du traité. La dernière possibilité est celle d'un maintien du statu quo malgré une pression politique toujours plus forte de la part de la droite mais aussi d'une partie du bloc central.

Avec AFP