
Rob Jetten se réjouit de son résultat lors des élections législatives, à la Chambre des représentants, à La Haye, le 30 octobre 2025. © Peter Dejong, AP
Il rêvait d'une carrière de sportif de haut niveau. C'est finalement dans la politique que Rob Jetten pourrait remporter sa plus belle médaille. Grâce à un fabuleux sprint final dans la campagne des législatives, son parti proeuropéen D66 a créé la surprise en faisant jeu égal avec l'extrême droite.
À seulement 38 ans, ce champion précoce de la politique néerlandaise pourrait ainsi devenir le plus jeune chef de gouvernement dans l'histoire de son pays mais aussi le premier ouvertement homosexuel, les autres partis ayant exclu toute collaboration avec le Parti pour la liberté (PVV) du leader d'extrême droite Geert Wilders.
Plus jeune, Rob Jetten était meneur d'allure, "lièvre", pour les entraînements de Sifan Hassan, devenue championne olympique d'athlétisme. À l'instar de celle qui a remporté le marathon des JO de Paris, c'est une accélération fulgurante dans la dernière ligne droite qui a permis à ce politicien à l'allure de gendre idéal de déjouer les pronostics.
"C'est possible"
Omniprésent dans les médias, cet habile communicant a su redresser la barre alors que son parti pointait encore à la cinquième place des sondages il y a un mois.
Dans le même temps, Geert Wilders a "arrêté de faire campagne il y a trois semaines à cause de menaces terroristes, lui qui depuis 20 ans vit sous protection policière à cause de ses thèses anti-islam", rappelle Pierre Benazet, correspondant de France 24 à Bruxelles. "Même s'il a réussi à rester visible, il semble payer le fait d'avoir décidé en juin de retirer le PVV de la coalition gouvernementale", provoquant ces élections anticipées.
De son côté, Rob Jetten a mené une campagne efficace prenant le contre-pied de la stratégie souvent adoptée par les partis traditionnels européens. Plutôt que de s'approprier les idées chères à l'extrême droite, ce dernier a tracé sa propre voie en délivrant un message résolument optimiste : "Het kan wel" ("C'est possible"), affirmait son slogan de campagne, une référence au célèbre "Yes, we can" de Barack Obama.
"Il s'agit d'un résultat électoral historique car nous avons montré non seulement aux Pays-Bas mais aussi au monde entier qu'il est possible de vaincre les mouvements populistes et d'extrême droite", a-t-il déclaré devant des journalistes après la publication mercredi soir des sondages de sortie des urnes.
Sur l'immigration, thématique centrale de la campagne, Rob Jetten prône une forme de "en même temps". S'il s'est engagé à consacrer davantage de fonds aux programmes d'intégration, il a aussi promis de lutter contre l'immigration illégale en autorisant les demandes d'asile en dehors de l'UE.
Autre mesure emblématique : la construction de dix nouvelles villes ainsi que la réduction des formalités administratives pour résoudre la pénurie de logements abordables, problème majeur pour les jeunes actifs néerlandais. Selon les estimations, il manque 400 000 logements dans le pays.
"Robot Jetten"
Entré au Parlement à l'âge de 30 ans, nommé chef du D66 un an plus tard – devenant ainsi l'homme le plus jeune à accéder à ce poste –, Rob Jetten est souvent considéré comme un prodige de la politique. Il devient ministre de l'Énergie et du Climat entre 2022 et 2024, malgré son jeune âge et son manque d'expérience. Cependant, la popularité de son parti chute, le D66 passant de 24 sièges au Parlement à seulement neuf lors des élections de 2023 remportées par le PVV.
Surnommé "Robot Jetten" pour son allure stricte et ses phrases toutes faites, il a su se départir de cette image d'intello en adoptant un style plus décontracté et souriant. Il abandonne aussi ses lunettes après une chirurgie laser des yeux. Les observateurs voient également dans sa nouvelle popularité le résultat d'une approche moins "woke" mais aussi moins alarmiste sur le plan climatique.
Hasard du calendrier, il s'est aussi illustré pendant la campagne dans un populaire quiz télévisé de culture générale, enregistré au printemps mais diffusé lors des semaines précédant le scrutin. Rien d'étonnant sans doute pour quelqu'un qui, enfant, lisait deux journaux et regardait le journal télévisé du matin avant d'aller à l'école.
"Un intello. C'est vraiment ce que j'étais à 12 ans", a admis auprès de l'AFP le politicien, qui a grandi à Uden, dans le sud des Pays-Bas, avant d'étudier la science administrative à l'université Radboud de Nimègue, dans l'Est.
Épreuve de patience
Enfant, le jeune Rob rêvait de devenir un sportif de haut niveau. "Le football et l'athlétisme étaient mes plus grandes passions", a-t-il confié. "Mais en grandissant et en découvrant davantage mon identité, il était assez difficile pour moi de ne pas pouvoir m'identifier à des athlètes homosexuels de haut niveau", a-t-il poursuivi.
En couple avec le joueur de hockey sur gazon argentin Nicolas Keenan depuis 2022, il doit se marier l'été prochain en Espagne.
Sa probable nomination au poste de Premier ministre a été immédiatement saluée par ses alliés européens, qui voient dans ses bons résultats un coup d'arrêt aux idées populistes dans l'Union.
"Une victoire pour les idées proeuropéennes, libérales et progressistes !", s'est réjoui sur X l'ancien Premier ministre français Gabriel Attal.

Après la proclamation des résultats définitifs, probablement lundi ou mardi, Rob Jetten devra toutefois encore patienter avant d'accéder au poste de Premier ministre qui lui tend les bras.
De longues tractations s'annoncent entre les partis, qui vont chercher à faire figurer un maximum de points de leur programme dans un accord de coalition, et ce avant même la course aux postes ministériels.
Pour rappel, le dernier gouvernement du Premier ministre démissionnaire Dick Schoof a mis 223 jours à se former. Tous les partis ont cependant déclaré vouloir que le processus soit cette fois bouclé au plus vite.
Avec AFP

 
 