Trois jours après la fermeture des bureaux de votes, les Kényans attendent toujours les résultats de l’élection présidentielle. Le processus de dépouillement est de plus en plus contesté par les deux camps.
La tension est montée d’un cran jeudi 7 mars au Kenya, trois jours après les élections générales. Le parti de Raila Odinga, Premier ministre sortant, a déclaré que les résultats provisoires avaient été manipulés. "Le système électronique de transmission de votes a été un échec total. Et nous avons des preuves indiquant que les résultats que nous recevons ont été falsifiés. Dans certains cas, le nombre de votes dépasse celui d’électeurs inscrits", a déclaré Stephen Kalonzo Musyoka, le colistier de Raila Odinga, pour qui "le processus national de comptage manque d'intégrité et doit être arrêté". La commission électorale indépendante a réagi dans la foulée, réfutant les accusations de fraude.
itMercredi déjà, le camp d’Uhuru Kenyatta, vice-Premier ministre et grand rival de Raila Odinga, avait dénoncé la lenteur du dépouillement et l’utilisation du système de transmission électronique des votes, affirmant qu’il était la porte ouverte à des fraudes. "Le système de comptage électronique a été abandonné, explique Stéphanie Braquehais, envoyée spéciale de FRANCE 24 au Kenya. La commission électorale avait investi dans ce matériel très coûteux pour permettre un deuxième niveau de vérification. Ça n'a pas marché, ça a même carrément planté, comme l’a reconnu mercredi le président de la commission électorale qui s’est tout de même voulu rassurant : les résultats reflèteront la réalité du vote."
Le spectre des violences de 2007
Reste que le dépouillement des bulletins, désormais manuel, a pris un sérieux retard depuis la fermeture des urnes lundi soir. La publication des résultats doit intervenir au plus tard dans les sept jours suivant le vote, soit lundi 11 mars. Mais seul un tiers des bulletins a déjà été compilé ; Uhuru Kenyatta est pour l'instant en tête, crédité de 52,5 % des voix, contre 42,9 % pour son rival, Raila Odinga. Depuis l’interruption du comptage électronique, les agents de la commission électorale répartis dans tous les centres de comptage du pays doivent se rendre en personne à Nairobi, la capitale kényane, avec les documents estampillés après les comptages.
Si les camps de Kenyatta et Odinga ont affirmé qu’ils n’appelaient pas les gens à sortir dans la rue, "les questionnements de la crédibilité de la commission électorale contribuent au climat d’anxiété et pourraient éventuellement provoquer des mouvements de foule spontanés", explique Stéphanie Braquehais. Pour le moment, pas de manifestations, mais "depuis lundi, les activités n’ont pas tout à fait repris normalement" au Kenya, constate notre envoyée spéciale. Les écoles, censées rouvrirjeudi, resteront finalement fermées jusqu'à lundi.
En 2007, l'annonce de la défaite de M. Odinga face au président sortant Mwai Kibaki avait débouché sur les pires violences depuis l'indépendance du pays en 1963. Plus de 1 000 personnes avaient été tuées et 600 000 déplacées. Quant au candidat Uhuru Kenyatta, les juges de la Cour pénale internationale ont annoncé le report de son procès pour crimes contre l'humanité, liés à son implication présumée dans l'organisation de ces violences. Le début du procès, qui avait été fixé au 11 avril, a été repoussé au 9 juillet.