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Vidéo : "J'ai tué Ben Laden", le récit du soldat américain qui a exécuté l'ennemi public n°1

Le soldat américain qui a abattu Oussama Ben Laden, le 1er mai 2011, s'est confié à un ancien journaliste. Une vidéo d'animation choc sur l'opération est issue de leurs entretiens.

"J’ai tout de suite reconnu ma cible sans le moindre doute. Même dans nos salles d’entraînement, il y a des cibles avec son visage. J’ai été étonné par sa maigreur, sa grande taille et sa courte barbe."

Resté anonyme pour des raisons évidentes de sécurité, le soldat américain qui a abattu Oussama Ben Laden en 2011 a livré une vision singulière des dessous de l’opération qui a conduit à l’exécution de l’ennemi public numéro un des États-Unis. Son récit poignant a été recueilli par Phil Bronstein, un ancien reporter aujourd’hui à la tête du Center for Investigative Reporting (CIR) , une organisation américaine dédiée au journalisme d'investigation.

Après un an d’entretiens entre le soldat et le journaliste, le CIR, en partenariat avec le magazine "Esquire", a mis en scène le parcours du soldat dans une vidéo intitulée "The Shooter" ("Le tireur") que Courrier International a sous-titré en français. La voix du soldat a été remplacée par celle d’un narrateur.

"The Shooter", sous-titré en français par "Courrier International"

Ses mots sont simples et sans artifice. Il parle des au-revoir déchirants à sa famille et des missions qui s’enchaînent en Irak et en Afghanistan, jusqu’à cette opération différente des autres où seule une poignée de Navy Seals ont été appelés. "Avec la guerre en Libye et les printemps arabes, on savait que quelque chose de gros se préparait. On ne savait pas à quel point", rapporte-t-il. Les informations leur sont livrées au compte-goutte et ce n’est que progressivement que les soldats comprennent l’ampleur et la dangerosité de la mission qui les attend.

"La veille du départ, nous étions dans notre camp à Jalalabad et la fille de la CIA [l’agent secret en charge de la traque de Ben Laden, NDLR] faisait les cent pas. Elle m’a demandé comment je pouvais rester aussi calme. Je lui ai répondu que l’on faisait ça tous les jours : ‘On débarque dans une maison, on embrouille quelques mecs et on part’."

Et l’agent de lui rétorquer à demi-mot : "100 % de chances qu’il soit au troisième étage, alors allez-y si vous pouvez".

"Il est mort dans les escaliers"

Puis arrive enfin le jour fatidique. Le soldat se souvient, anecdote à l’appui, des moindres détails de l’opération. "Nous avancions dans les couloirs quand l’homme de tête s’est arrêté. Il venait d’apercevoir Khalid, un des fils de Ben Laden. Je l’ai entendu murmurer : ‘Khalid, viens par ici’ en arabe puis en pachtoune. Ça l’a désorienté, il s’est penché avec son AK-47 et s’est fait allumer. Il est mort dans les escaliers, nous avons dû passer au-dessus de son corps pour avancer. Il était la dernière ligne de défense."

Arrivé au troisième étage de la maison, le Navy Seal décrit les dernières longues minutes de Ben Laden qu’il reconnaît immédiatement. Il lui tire, par deux fois, dans le front. "En le voyant pousser son dernier soupir, je me demande si c’est la meilleure chose que j’ai jamais faite ou la pire."

Près de deux ans après l’opération, "le tireur" reste profondément marqué par son expérience mais ne peut en aucun cas partager son ressenti. Éreinté et diminué physiquement, il a démissionné et vit dans la crainte que son anonymat soit levé, pouvant conduire à des représailles sur sa famille.

Après 16 ans au service des Marines, il se retrouve aujourd’hui sans emploi ni diplôme. À quatre ans près, il aurait pu bénéficier de la retraite et d’une couverture maladie, mais il n’aura pas tenu jusque-là. L’ancien Navy Seal est à présent en quête d’une nouvelle vie. "Je veux faire quelque chose qui n’a plus rien à voir avec mon passé. Je ne veux plus avoir à porter une arme", confie-t-il.