
Pour éviter une nouvelle bataille sur le plafond de la dette, certains proposent au gouvernement américain de battre une pièce de platine d'une valeur de 1000 milliards de dollars. Solution miracle ou idée farfelue ?
Et si la solution au problème du plafond de la dette américaine passait par une simple pièce de monnaie ? L’idée est en train de gagner rapidement du chemin aux États-Unis. D’après les supporters de cette idée, il suffirait au Trésor américain de fabriquer une pièce de 1000 milliards de dollars en platine pour contourner le douloureux débat politique au Congrès autour du relèvement du plafond de la dette.
Les États-Unis ont, en effet, atteint le 31 décembre 2012 la limite légale de ce que le pays a le droit d’emprunter pour se financer. Depuis lors, le Trésor a recours à des “mesures extraordinaires” pour lever de l’argent. Mais en mars au plus tard, l’administration Obama et les républicains doivent théoriquement trouver un accord pour relever ce plafond actuellement fixé à 16 400 milliards de dollars.
Les négociations risquent d’être rudes : les républicains - majoritaires à la Chambre des représentants - tenteront d’arracher autant de réductions des dépenses que possible en échange de leur accord pour rehausser le fameux plafond de la dette. Cela avait déjà été le cas lors de la dernière grande bataille à ce sujet à l’été 2011.
Pour éviter ce combat de coqs entre démocrates et républicains, une suggestion venue du Web a depuis ce début d’année reçu le soutien d’économistes aussi célèbres que James Galbraith et Paul Krugman, prix Nobel d’économie 2008. L’idée est, en fait, née en mai 2010 dans la section des commentaires du blog américain Moslereconomics. Un internaute répondant au surnom Beowulf y suggère pour la première fois de créer une pièce de mille milliards de dollars pour en finir une bonne fois pour toute avec les problèmes de la dette américaine.
Il s’appuie sur un vide législatif : en théorie, seule la Réserve fédérale peut créer de l’argent... à une exception près. Le Trésor - l’équivalent du ministère des Finances - peut, en effet, légalement fabriquer des pièces de monnaies commémoratives en platine. Selon le texte de lois, ces pièces ont la valeur que le gouvernement veut bien leur donner et il ne fixe pas de limite. En clair, rien n’empêche le Trésor, comme l’écrit Beowulf “de créer une pièce d’une valeur de mille milliards de dollars et de l’apporter à la Réserve fédérale qui ne peut pas refuser un moyen légal de payer ses dettes”.
Inflation et démocratie
Après s’être construit ainsi une nouvelle réserve d’argent de 1000 milliards de dollars, le gouvernement américain n’aurait plus besoin de négocier quoi que ce soit avec le Congrès. Cette ruse législative a fait un carton sur l’Internet où le hashtag (mot clef) #mintthecoin sert de cri de ralliement aux défenseurs de cette solution à la crise du plafond de la dette. Une pétition a même été soumise sur le site de la Maison Blanche pour appeler le Trésor à battre cette monnaie miracle. Elle a reçu pour l’heure plus de 7000 signatures.
Pressé par un journaliste à ce sujet le 9 janvier, le porte-parole de Barack Obama, Jay Carney s’est borné à dire que “le Congrès a une responsabilité de trouver une solution, après on peut spéculer sur beaucoup de choses”. Une réponse évasive qui pour les partisans de la pièce à 1000 milliards de dollars signifieraient que la Maison Blanche ne ferme pas la porte à cette option.
Les républicains, de leurs côtés, ont vu rouge. Greg Walden, un élu de l’Oregon à la Chambre des représentants, a ainsi soumis une proposition de loi pour rendre une telle pièce de monnaie illégale.
L’opposition à cette initiative s’articule autour de deux points. Les détracteurs craignent qu’une telle pièce fasse exploser l’inflation. La Réserve fédérale se retrouverait, en effet, avec un trésor de 1000 milliards de dollars à disposition du gouvernement pour payer ses factures. Une telle création monétaire aurait forcément un impact sur l’inflation.
Mais surtout, avoir recours à un tel mécanisme pourrait être perçu comme un “déni de démocratie”. “Le fait de contourner les représentants du peuple au Congrès serait politiquement inacceptable”, écrivait en 2011 Jack Baldwin, professeur de droit à Yale dans un article qui évoquait déjà l’arme de la pièce de platine.