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En Syrie, l'effondrement de l'économie menace

Après presque deux ans de guerre civile, l'économie syrienne est à bout de souffle. Enlèvements, vols et contrebandes sont le lot de plus en plus de Syriens qui se débrouillent pour survivre, quitte à tomber dans l'illégalité.

Après vingt-deux mois de conflit et de violences, la Syrie est dévastée, mais la vie doit néanmoins suivre son cours pour les habitants du pays qui ne combattent pas. Au vu de l'ampleur des destructions matérielles et de la flambée des prix, les difficultés quotidiennes ne manquent pas. Même le carburant et l'électricité sont devenus des denrées rares. L'État syrien semble certes parvenir à maintenir un semblant d'économie. Selon plusieurs sources concordantes sur place, il continue pour ce faire de remplir ses obligations : les impôts sont collectés dans les régions sous contrôle de l'État et les salaires sont envoyés à tous les fonctionnaires, dont ceux qui vivent dans les zones rebelles où les banques ont fermé et qui doivent venir les encaisser dans les secteurs gouvernementaux.

"À Alep, un avion transporte les fonds de la Banque centrale et les sommes sont distribuées dans les banques. Cela permet à tous les fonctionnaires de retirer leur salaire dans les distributeurs", assure à l'AFP Samer, employé dans une banque publique du centre-ville. Selon les chiffres officiels du gouvernement syrien, l'inflation était de 40 % en Syrie en août dernier. "La livre syrienne a perdu 50 %  de sa valeur par rapport au dollar", rappelle Jihad Yazigi, directeur de la revue économique en ligne Syria Report.

À cela s'ajoute le fait que des milliards de dollars ont fui la Syrie. Au vu de la dégradation de la situation économique, les investisseurs et hommes d'affaires syriens ont en effet rapidement cherché à préserver leur  capital.

Pour tenter de  pallier à la fuite de capitaux, l'État syrien n'a pas hésité à mener campagne en envoyant des SMS aux Syriens pour les inviter à réapprovisionner leurs comptes en Syrie en devises. Et s’il peut continuer de fonctionner, c'est aussi qu'il a "très rapidement réduit ses dépenses", explique Jihad Yazigi à FRANCE 24. "L'État a cessé tout investissement, ce qui représentait 50 % de ses dépenses. Désormais, il ne répare plus rien, il ne fait que payer les salaires", poursuit-t-il.

Une mosaïque d'économies

Mais selon Jihad Yazigi, bien que l es indicateurs formels restent significatifs, ils ne suffisent pas pour refléter la réalité économique . "On ne peut plus parler d'une économie en Syrie, mais d'une mosaïque, observe-t-il. Les observateurs continuent à suivre les indicateurs formels, comme le taux d'inflation ou le cours de la monnaie, mais en réalité, la plus grande partie de l'économie ne correspond plus à ces chiffres."

La situation économique est donc bien plus précaire qu'il n'y parait. "À l'heure actuelle, l'économie syrienne se porte très mal, et si le conflit ne s'arrête pas cela ne fera qu'empirer, déplore Jihad Yazigi. Déjà on voit les mendiants se multiplier par tout. À court terme, on va vers un appauvrissement généralisé de la population." Une dégradation dont les conséquences pourraient être lourdes . "À long terme, les conséquences sont très graves : c'est la santé des enfants qui est en jeu", indique Jihad Yazigi.

Si la révolte n'a pas encore abouti à la chute du régime de Bachar al-Assad, elle a néanmoins contribué à changer la donne sociale. "Le mur de la peur est brisé", témoigne un habitant d'Alep interrogé par FRANCE 24. Personne ne craint en effet plus la police, ce qui donne libre cours à la multiplication des crimes crapuleux. On assiste ainsi au développement de véritables économies parallèles. "L'enlèvement contre rançons, les vols, la contrebande et le marché noir se sont beaucoup développés", rapporte Jihad Yazigi. Ainsi "si un responsable pro-régime reçoit du pain ou du mazout, par exemple, il va le réquisitionner et le revendre au prix le plus fort", explique-t-il.

Certains sont même contraints, pour pouvoir circuler en sécurité entre les villes, "d'acheter la route", comme le racontent à FRANCE 24 des habitants de la province de Homs, obligés de payer tant les militaires que les rebelles pour franchir les barrages.

Système D

Les difficultés économiques varient selon l'endroit du pays où l'on se trouve. À Alep, ville sous le feu des bombes depuis le 20 juillet, 10 pains, aliment de base de la majorité des Syriens, se vendaient à plus de 700 livres syriennes début décembre, alors que le prix normal ne dépassaient pas les 20 ou 30 livres à Damas .  "On a dû limiter notre consommation de pain, explique une habitante d'Alep. Des recettes circulent même sur les réseaux sociaux pour apprendre à faire du pain soi-même. Mais encore faut-il trouver de la farine..."

Si dans certains quartiers de  Homs ou Alep la situation est très difficile, Damas, où l'armée reste en position de force , est davantage épargnée . Là les fruits et légumes venant de toute la Syrie, voire d'Egypte et de Jordanie, convergent vers l'immense Souk al-Hal, dans l'est de la capitale. Même si les prix ont flambés, les produits ne manquent pas.

Reste que les pénuries et la flambée des prix des denrées de première nécessité se font partout durement ressentir."Les deux principaux problèmes c'est le pain, l'électricité et le carburant", explique F. , o riginaire de Homs . L’ homme a dû tout quitter quand les bombardements ont touché sa rue. Avec sa famille, il vit désormais dans la périphérie de Damas. Partout, dit-il, c'est le système D qui prévaut. "Comme il est très difficile de trouver du mazout, on a acheté des chauffages électriques, mais l'électricité était coupée 10 heures par jour, alors on a acheté des poêles à bois, mais le bois aussi coûte cher et tout le monde a les mêmes idées alors on finira aussi par en manquer", explique-t-il. Et s ur YouTube et Facebook, les habitants des grandes villes syriennes excédés continuent de lancer d es appels à l’aide.   

Un habitant d'Alep témoigne sur la vie quotidienne à Alep (en arabe uniquement)