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Barack Obama a annoncé la nomination du sénateur John Kerry à la tête du département d'État pour succéder à Hillary Clinton. Portrait d'un politicien consensuel, francophone et rompu à l'exercice diplomatique depuis plusieurs années.

John Kerry convoitait le poste de secrétaire d’État depuis 2009. Mais, à l’époque, Barack Obama lui avait préféré Hillary Clinton. Quatre ans plus tard, celui que la plupart des Américains connaissent comme le candidat malheureux de la présidentielle de 2004 atteint enfin son but. Le président américain l’a désigné, vendredi 21 décembre, chef de la diplomatie américaine.

"La vie entière de John Kerry l’a préparé à de telles fonctions", a affirmé Barack Obama lors d’une courte allocution à la Maison Blanche. "Un choix parfait", a-t-il assuré en désignant le sénateur du Massachusetts âgé de 69 ans. "Il a gagné le respect et la confiance des dirigeants du monde entier. Il n'aura pas besoin d'avoir une formation importante." Il est vrai que, depuis son échec face à George W. Bush, John Kerry s'est investi dans les travaux du Congrès, se forgeant une réputation de spécialiste des questions internationales.

"On peut dire sans se tromper que peu de personnes connaissent autant de présidents ou de Premiers ministres ou ont une maîtrise aussi ferme de la politique étrangère que John Kerry, et cela fait de lui un candidat parfait pour guider la diplomatie américaine dans les années à venir", a précisé Barack Obama. Depuis l'arrivée de ce dernier à la présidence en janvier 2009, John Kerry, élu en 2008 à la tête de la commission des Affaires étrangères du Sénat, a été envoyé en émissaire sur les dossiers chauds de la diplomatie.

En février 2009, ce fils de diplomate est l'un des trois parlementaires américains à visiter la bande de Gaza contrôlée par le Hamas, que les États-Unis considèrent comme un groupe terroriste. En mai 2011, c’est encore lui que le président américain dépêche à Islamabad pour tenter d'apaiser l'allié pakistanais qui n'avait pas été informé par Washington du raid contre Oussama Ben Laden, le chef d'Al-Qaïda, sur son territoire.

Francophone

Catholique, John Kerry, marié à l'héritière Heinz, connaît aussi l'Europe et surtout la France, où ses parents ont passé de nombreux étés. Le sénateur, qui parle très bien le français, revient régulièrement en vacances en Bretagne, ne serait-ce que pour rendre visite à son cousin, l'ancien maire d'une petite commune de la région, Brice Lalonde, l'écologiste français à la tête de la conférence des Nations unies sur le développement durable (Rio+20).

Malgré son expérience du terrain et ses liens avec les plus hauts dirigeants de la planète, comme le président afghan Hamid Karzaï ou le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou, John Kerry n’était pourtant pas le premier choix de Barack Obama, qui avait d’abord opté pour l'ambassadrice des États-Unis à l'ONU, Susan Rice. Mais cette dernière a été contrainte de renoncer à briguer le département d'État après avoir été visée par des critiques acerbes d'élus républicains pour ses prises de position après l'attentat de Benghazi, en Libye, qui a coûté la vie, le 11 septembre dernier, à quatre Américains, dont l'ambassadeur.

La nomination de John Kerry, considéré comme un candidat bien plus consensuel que Susan Rice, doit encore être validée par une supermajorité parmi ses collègues du Sénat pour entrer en fonction - le vote devrait se tenir après l'investiture de Barack Obama, le 21 janvier. Même ses adversaires républicains ne semblent pas s’y opposer. "Même si on n'est pas d'accord avec le sénateur Kerry sur certaines questions intérieures, il a fait du bon travail en tant que président de la commission des Affaires étrangères", notait le républicain Chuck Grassley il y a quelques jours.

Son seul handicap, concèdent les conseillers de Barack Obama : ce n'est pas un proche du président, à la différence de Susan Rice. Les deux hommes se sont rencontrés pour la première fois en 2004, quand Kerry lui avait donné sa première tribune au plan national en le chargeant de prononcer un grand discours lors de la convention présidentielle démocrate de Boston (Massachusetts). Pendant la campagne présidentielle, le sénateur a aussi entraîné Obama à ses débats télévisés pour affronter Mitt Romney.

Le dossier syrien, délicat pour Kerry

En bon soldat, John Kerry devrait poursuivre les efforts conduits par Hillary Clinton, qui s’est attachée à redorer l’image de l’Amérique sur la scène internationale. Réfléchi et stratégique, il va s’attacher à mener l’agenda de politique étrangère du président américain sans pour autant craindre de donner son avis, rapportent ses proches à la BBC. Sa discrétion devrait être un atout s’il veut s’engager dans le processus de paix au Proche-Orient. Reste à savoir si Barack Obama voudra s’impliquer dans ce dossier, auquel cas Kerry pourrait saisir l’occasion de s’illustrer.

Le programme nucléaire iranien et le conflit en Syrie seront incontestablement les deux autres gros dossiers que le chef de la diplomatie américaine aura en charge. La révolution syrienne sera un sujet délicat pour Kerry, qui a été vivement critiqué pour sa naïveté quand il a continué à soutenir Bachar al-Assad durant les premières semaines du conflit. Après avoir affirmé que le président syrien était en mesure de réformer son pays, Kerry s’emploie désormais à dire que l’inaction des États-Unis a coûté trop cher à la Syrie.