Le Premier ministre malien, Cheick Modibo Diarra (photo), a annoncé dans la nuit de lundi à mardi sa démission et celle de son gouvernement, suite à son arrestation par des militaires alors qu'il était sur le point de se rendre en France.
Le Premier ministre du Mali, Cheick Modibo Diarra, a annoncé, dans la nuit de lundi à mardi sur la chaîne nationale, sa démission ainsi que celle de son gouvernement, après avoir été arrêté par des militaires à son domicile de Bamako. Une arrestation orchestrée par le capitaine Amadou Haya Sanogo, à l’origine du coup d’État du 22 mars qui avait renversé le président Amadou Toumani Touré. Cheick Modibo Diarra avait prévu de partir le 10 décembre au soir pour Paris afin d'y passer un contrôle médical, mais ses bagages ont été débarqués de l’avion.
"Moi, Cheick Modibo Diarra, je démissionne avec mon gouvernement", a-t-il déclaré lors d'une brève allocution à l'Office de radio-télévision du Mali (ORTM) sans donner d'explication. Il a été conduit à Kati, ville de garnison située à l'extérieur de Bamako, qui sert encore de quartier général à l'ancienne junte. Selon un de ses proches, il aurait été placé en résidence surveillée.
Depuis le putsch du 22 mars 2012, le nord du pays est tombé entre les mains des islamistes. M. Diarra, ancien ingénieur de la NASA et dirigeant de Microsoft pour l'Afrique, assurait l'intérim en tant que chef du gouvernement depuis avril lorsque les militaires avaient officiellement restitué le pouvoir.
"Ce n’est pas un nouveau coup d’État"
Selon Serge Daniel, correspondant de FRANCE 24 à Bamako, ce clash est le résultat d’un "climat politique délétère depuis quelques jours". Le Mali est dirigé par un triumvirat, composé par le Premier ministre, le président par intérim et l’ex-junte. "Au sommet de l’État, l’entente ne règne plus entre les différents coins du pouvoir," analyse le journaliste.
"Ce n’est pas un nouveau coup d’État", a affirmé mardi sur l’antenne de FRANCE 24 Bakary Mariko, porte-parole des militaires putschistes. "Cheick Modibo Diarra n’a pas rempli les deux missions qui lui étaient attribuées : la libération du Nord-Mali et l’organisation d’élections transparentes. Il travaillait pour son agenda personnel", a-t-il poursuivi.
Au cœur du désaccord entre les militaires et l’ex-Premier ministre : la possible intervention d'une force internationale dans le nord du Mali. Soutenue par Cheick Modibo Diarra, cette option est en revanche exclue par le capitaine Sanogo et la majorité des militaires. Ces derniers estiment en effet avoir seulement besoin d'un soutien financier et logistique pour mener eux-mêmes une opération de reconquête dans la région.
Possibles conséquences
Alors qu’un vote sur l’intervention militaire doit avoir lieu dans les prochains jours à l’Onu, la conséquence directe de cette démission pourrait être un report de la décision. "Ceux qui hésitaient [à se prononcer en faveur de cette intervention] vont se sentir confortés dans cette hésitation," note Virginie Herz, spécialiste de politique internationale à FRANCE 24. Au premier rang des réfractaires : les États-Unis, qui ont déjà exprimé des réticences à l’idée d’intervenir dans un pays dont le gouvernement n’a pas été démocratiquement élu et qui présente une certaine forme d’instabilité. "Les Américains vont forcément réagir, et cette démission ne va pas favoriser la coordination et la cohérence de l’action internationale (…) Au contraire, cela va renforcer les difficultés d’un soutien extérieur," commente, pour sa part, Antoine Glaser, journaliste spécialiste de l’Afrique, interrogé sur FRANCE 24.
Selon Serge Daniel, la communauté internationale pourrait témoigner de la lassitude face aux différents retournements de situation dans le pays. "La mobilisation qui est en cours pour aider le Mali à sortir du labyrinthe dans lequel il se trouve peut très rapidement faiblir si les Maliens ne se ressaisissent pas."
FRANCE 24 avec dépêches