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Ahmad al-Assir, le salafiste qui veut en découdre avec le Hezbollah

La tension monte à Saïda, dans le sud du Liban, où des partisans de l'imam salafiste Ahmad al-Assir, qui défie ouvertement depuis quelques mois le Hezbollah, ont été tués dans des heurts avec des membres du parti chiite.

"Je jure par Allah que toi, Nasrallah, je ne te laisserai pas dormir la nuit si tu ne te décides pas à mieux te comporter avec nous [les sunnites]. Je vais t’en faire payer le prix. Cela ne fait que commencer." L’homme qui a osé menacer de la sorte, il y a quelques mois, le leader du Hezbollah chiite est un imam salafiste, le cheikh Ahmad al-Assir.

Encore inconnu au début de l’année, ce religieux désormais ultra-médiatisé s’est fait connaître en défiant ouvertement le puissant mouvement politico-militaire chiite depuis son fief de Saïda (sud), la troisième ville du Liban. Notamment en organisant des sit-in pacifiques appelant au désarmement du parti de Hassan Nasrallah. Dans un entretien accordé en juin au quotidien francophone "L’Orient-le-Jour", l’imam sunnite déclarait : "Je n’accepterai plus l’hégémonie d’un groupe armé qui nous menace, parle de couper les mains [...] et qui nous accuse ensuite d’être des traîtres en s’en prenant à nos dignitaires religieux et à notre dignité".
Affrontements meurtriers à cause d’affiches du Hezbollah
Dimanche 11 novembre, une altercation entre des partisans du cheikh et des membres du parti chiite a dégénéré en un affrontement armé qui a fait trois morts et sept blessés. Motif de la dispute : des affiches à la gloire du mouvement pro-iranien dans la ville de Saïda et ses alentours. Le cheikh al-Assir avait lancé un ultimatum aux partisans du Hezbollah pour les enlever. Le religieux salafiste "refuse désormais la présence dans la ville du Hezbollah qui tue nos frères en Syrie et qui vient d’assassiner [le général] Wissam el-Hassan à Beyrouth [le 19 octobre dans un attentat à Beyrouth, nflr]", rapporte "L’Orient-le-Jour".
"S’ils nous obligent à nous armer, nous nous armerons"
Et pour cause, les autorités libanaises, qui ont multiplié les appels au calme, redoutent que la situation ne dégénère dans un pays multiconfessionnel déjà sous tension et divisé au sujet du conflit syrien, entre partisans majoritairement chiites et adversaires sunnites du président Bachar al-Assad. "Les provocations répétées d’al-Assir à l’égard du Hezbollah peuvent finir par radicaliser les esprits et provoquer des incidents bien plus graves dans l’ensemble du pays", explique à FRANCE 24 une source sécuritaire, jointe au téléphone à Beyrouth.
Selon cette source, qui a requis l’anonymat, le cheikh surfe sur la frustration de la rue sunnite qui se sent marginalisée par l’omnipotence de leurs rivaux chiites incarnée par l’arsenal du Hezbollah. En outre, la mainmise de celui-ci sur le gouvernement illustre l’absence de leadership au sein de la communauté sunnite. "Même si une majorité de Libanais est d’accord avec lui sur la nécessité de désarmer le Hezbollah, sa méthode n’est pas bonne car elle exacerbe les tensions, explique le responsable sécuritaire. Heureusement que ses partisans ne sont pas très nombreux et que le Hezbollah se montre patient à son égard." Jusqu’ici, le parti chiite s’est gardé de répondre à la défiance d’al-Assir.
S’il avait coutume d’affirmer que le jihad qu’il mène contre les armes du Hezbollah ne passe pas nécessairement par un combat militaire, mais plutôt par le verbe, l’imam salafiste s’est affiché, lors des funérailles de ses partisans, aux côtés d’hommes armés de Kalachnikov. Et il semble ne pas compter en rester là. "S’ils nous obligent à nous armer, nous nous armerons", aurait-il déclaré dimanche dans la mosquée Bilal ben Rabah dont il est l’imam, selon des propos rapportés par les médias.
À l’approche de la fête chiite de l’Achoura, qui commémore le 24 novembre le meurtre de l'imam Hussein, petit-fils du prophète Mahomet et principale figure religieuse de cette communauté, la tension promet d’être vive au Liban et précisément à Saïda.