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Le premier prix "Liste Goncourt-Le choix de l’Orient", organisé à Beyrouth, a permis à des étudiants francophones venus de diverses universités du Moyen-Orient d’élire leur roman préféré : "Rue des voleurs", de Mathias Énard.

La littérature française contemporaine trouve des lecteurs à l’université de Mossoul, en Irak, à la faculté de Gaza, en territoire palestinien, ou encore à l’université du Caire, en Égypte et dans six facultés libanaises. En permettant à 18 jurys étudiants à travers le Moyen-Orient de participer au premier prix "Liste Goncourt-Le choix de l'Orient" organisé à Beyrouth, à l’occasion du salon du livre, plus d’une centaine d’étudiants en lettres françaises ont lu les huit livres de la dernière sélection du prix Goncourt et élu le roman de leur choix.

Le lauréat, annoncé lundi 31 octobre : "Rue des voleurs", de Mathias Énard, paru chez Actes Sud. L’histoire d’un jeune Marocain aux prises avec son projet d’immigration vers l’Europe et le tourbillon du Printemps arabe, un texte nourri des questions d’islamisme et de sexualité. "Son livre est très parlant pour la région", admet Salwa Nacouzi, organisatrice du prix en coopération avec l'Institut français du Liban, et directrice du bureau Moyen-Orient à l’Agence universitaire de la Francophonie. "Mais ce choix ne s’est pas imposé de lui-même. À deux voix près, 'L’enfant grec', de Vassilis Alexakis (éd. Stock), aurait très bien pu passer !"

La petite vingtaine de "présidents de jury" ont fait le déplacement, sauf deux : celui qui devait représenter l’université de Damas, en Syrie, a envoyé une procuration ; quant à l’étudiant qui aurait dû se déplacer depuis Naplouse, en Cisjordanie, il n’a pas pu passer le checkpoint : les hommes de moins de 40 ans ont de grandes difficultés à traverser le territoire israélien. Surtout en temps de fêtes religieuses.

Débattre avec les membres de l’Académie Goncourt

L’intérêt de reprendre la sélection Goncourt pour organiser ce prix étudiant était une question d’opportunité : plusieurs membres de l’Académie Goncourt - Edmonde Charles-Roux , Tahar Ben Jelloun, Didier Decoin, Pierre Assouline, Bernard Pivot et Régis Debray - étaient invités à Beyrouth pour les 20 ans du Salon du livre. Ils ont pu ainsi parrainer cette première édition du prix et échanger leurs avis littéraires avec les étudiants.

L’idée de se baser sur la sélection Goncourt découle également de la volonté d’ouvrir les étudiants à "d’autres textes que les romans classiques du XVIIIe ou du XIXe siècle, qu’ils étudient habituellement en cours", explique Ziad Meddoukh, professeur de français à l’université Al-Aqsa de Gaza. "Mes étudiants considèrent le français comme une langue de résistance. Ce n’est pas un hasard si le livre qu’ils ont choisi parle du Printemps arabe. Au passage, ils ont pris le goût de la lecture." "Il s’est créé de nouvelles façons d’envisager la littérature. C’est aussi l’occasion d’apprendre à débattre. Les avis étaient très divergents sur les œuvres, certains enseignants étaient très opposés aux choix de leurs étudiants. Tant mieux !", ajoute Salwa Nacouzi.

L’expérience a ainsi permis à l’étudiant irakien Amar Sabaha de voyager à Beyrouth en tant que représentant de l’université de Mossoul. Lui aurait préféré voir "L’enfant grec" remporter le prix, roman qu’il a apprécié "pour son mélange de deux cultures, grecque et française, son évocation concrète de la crise économique grecque et les souvenirs d’une enfance à Paris". Mais l’étudiant s’est incliné devant le vote final : "C’est le jeu de la démocratie".

Avec ce prix "Liste Goncourt-Le choix de l’Orient", non-seulement la francophonie se refait une petite cure de vitalité, mais le livre de Mathias Énard, "Rue des voleurs", va également connaître une autre vie : le roman sera édité en arabe.