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Les "martyrs" du Hezbollah morts pour Bachar al-Assad

Les rebelles syriens n'ont de cesse d'accuser le Hezbollah libanais d'envoyer des combattants en Syrie pour soutenir les forces de Bachar al-Assad. Malgré les démentis du parti chiite, des éléments accréditent cette thèse.

"Le commandant Ali Hussein Nassif [surnommé Abou Abbas] est mort en martyr en accomplissant son devoir de djihadiste". C’est en ces termes que le Hezbollah, le puissant mouvement chiite libanais, a annoncé le 1er octobre, via les médias qui lui sont affiliés, les funérailles de son combattant, sans donner plus de détails sur les circonstances de sa mort. La présence de plusieurs hauts responsables du Hezbollah lors de la cérémonie qui a précédé sa mise en terre dans son village natal de Bouday, dans la vallée de la Békaa, ainsi que le déploiement de plusieurs miliciens armés au milieu du cortège funèbre n’ont laissé aucun doute sur l’importance de ce cadre militaire. Abou Abbas occupait un rang très élevé dans la hiérarchie de la branche armée du parti chiite.

Le lendemain, Al-Manar, la chaîne du Hezbollah, a diffusé les images d’une autre cérémonie funèbre, celle de Zine al-Abidine Moustafa, mort également en "accomplissant son devoir de djihadiste". Ce n’est pas la première fois que le mouvement de Hassan Nasrallah entretient le flou sur les circonstances de la mort de ces combattants.
Abou Abbas tué en Syrie ?
Ces derniers temps, les médias libanais ont rapporté que plusieurs élements du Hezbollah, "morts en martyrs", ont été enterrés dans les mêmes circonstances. "Personne ne fait la guerre en ce moment au Hezbollah, il faudrait donc que Nasrallah nous explique comment ses combattants peuvent mourir en martyrs, ou en faisant leur devoir de djihadiste au Liban", s’interroge un observateur avisé du mouvement pro-iranien joint au téléphone à Beyrouth par FRANCE 24 et qui a requis l’anonymat. "À moins qu’ils ne soient morts en Syrie, où là en effet des combats font rage entre les rebelles et les forces de Bachar al-Assad, allié indéfectible du mouvement chiite", ajoute-t-il.
Cette hypothèse semble être la plus probable. Selon l’agence Reuters, citant des sources à Baalbek, un des fiefs du parti chiite, Abou Abbas et Zine al-Abidine Moustafa ont été tués par une roquette dans une maison "située dans une ville syrienne frontalière du Liban". Un autre membre du Hezbollah, présent à leurs côtés, aurait également péri dans l'attaque. Un responsable du gouvernement libanais a confirmé le 2 octobre que l’un des corps avait été transféré de Syrie via le poste-frontière de Masnaa, rapporte le quotidien britannique "The Guardian".

Si le Hezbollah affiche un silence total, les rebelles syriens communiquent sur la mort d’Abou Abbas. Une vidéo, postée le 3 octobre sur YouTube par la brigade islamiste "Katiba al-Farouk de la ville d’al-Qousayr", revendique son assassinat ainsi que celui d’autres combattants du Hezbollah "au cours d’une opération contre un barrage" situé sur la route reliant la ville libanaise de Baalbeck à al-Qousayr. Le porte-parole de la brigade à la barbe très fournie explique cependant que l’armée syrienne est parvenue à récupérer les corps des combattants libanais "dans le but d’effacer toute trace de leur présence en Syrie".

L’ASL menace le Hezbollah
Autant d’affirmations, difficilement vérifiables de manière indépendante, que le parti chiite, contacté par FRANCE 24, a refusé de commenter. Dans un article publié le 27 septembre, le "Washington Post" avait cité des hauts responsables libanais qui faisaient état d’un grand nombre de combattants du Hezbollah morts en Syrie. Leurs familles, est-il précisé dans l’article, avaient été priées de ne pas évoquer les circonstances de leur mort.
"Le silence du Hezbollah est assourdissant, en général ses membres s’empressent de démentir ce type d’information via leurs médias, précise l’observateur contacté par FRANCE 24. Or en refusant de démentir, ils entretiennent le doute et accréditent les affirmations des rebelles qui n’ont de cesse de répéter que le Hezbollah intervient directement dans le conflit syrien." En effet, les rebelles syriens ont à plusieurs reprises accusé le Hezbollah de soutenir les forces régulières syriennes en déployant notamment des éléments le long de la frontière, en territoire syrien.
Cette question reste très sensible au Liban, tant le pays est divisé entre partisans et adversaires du régime syrien. Jusqu’ici, le parti de Hassan Nasrallah avait toujours nié une telle présence, se contentant d’un "soutien moral" indéfectible au président Assad en proie "à un complot occidental" exécuté par des "terroristes".
Toujours est-il que pour l’Armée syrienne libre (ASL), l’ingérence du Hezbollah ne fait aucun doute. Le 3 octobre, plusieurs médias arabes, dont la télévision libanaise al-Jadeed, ont fait part d'un communiqué de l’ASL qui menace directement les combattants du Hezbollah présents en Syrie. "Celui qui nous agresse creuse sa tombe, nous n’épargnerons pas ceux qui n’épargnent pas", est-il écrit.