logo

Paris truqués : L’étau se resserre autour des joueurs montpelliérains

En garde à vue depuis dimanche avec 16 autres personnes, les frères Karabatic ont été remis en liberté mardi. Mais les faits semblent accabler les joueurs de Montpellier impliqués dans cette affaire de paris sur fond de match présumé truqué.

Les joueurs du Montpellier Handball (MAHB), dont les frères Nikola et Luka Karabatic, visés par une enquête sur des soupçons de match truqué, ont reconnu avoir parié mais nient avoir truqué la rencontre Cesson-Sevigné – Montpellier du 12 mai dernier. C’est en tout cas ce qu’a affirmé ce lundi 1er octobre l'avocat des deux frères, Éric Dupont-Moretti.

Loi L131-16 du 1er Février 2012 – Code du Sport

 Il est formellement interdit aux athlètes et à leur entourage de réaliser des paris sportifs portant sur une compétition à laquelle ils participent, même s'ils ne sont pas ce jour-là forcément sur le terrain.

Une ligne de défense qui se comprend aisément tant les conséquences entre une infraction sportive et une infraction pénale diffèrent. En effet, en cas de simple délit sportif (paris sportifs passés en violation de l’éthique sportive), les joueurs risqueraient six matches de suspension et 15 000 euros d’amende. En revanche, en cas de match truqué, le délit pénal de "fraude et corruption sportive" est passible de cinq ans de prison et 75 000 euros d’amende.

C’est au procureur que revient la charge de prouver que le match a été truqué, or les joueurs "démentent de la façon la plus farouche avoir truqué ce match, ce ne sont pas des tricheurs, le match n’a pas été truqué", a déclaré Eric Dupont-Moretti.

Rémy #Lévy le président du club de #hand de #Montpellier affirme "Dans cette affaire, le club est victime, en position de partie civile".

— Lunzenfichter Alain (@ALunzenfichter) Octobre 1, 2012

Or le procureur de la république de Montpellier Brice Robin a déclaré ce lundi lors d’une conférence de presse qu'il existait : "de très fortes suspicions de non-respect de l'éthique sportive."

"Des liens très étroits ont été tissés entre les joueurs et leurs parieurs. Pour ceux qui doutaient d'un pacte, il y a matière à se poser des questions très légitimes", a souligné M. Robin. "Peut-on jouer normalement un match quand on a engagé personnellement des sommes aussi importantes et quand on sait qu'on a parié la défaite de son club ?", a-t-il poursuivi.

Pour rappel, Montpellier, déjà sacré champion de France, s’est déplacé le 12 mai dernier en Bretagne pour y affronter Cesson-Sevigné, qui se battait pour son maintien dans l’élite, sans 5 de ses titulaires : Nikola et Luka Karabatic, Mladen Bojinovic, Vid Kavticnik et Samuel Honrubia. Les paris suspects portaient sur le résultat à la mi-temps de ce match. En quelques heures 87 880 euros de paris avaient été pris sur le fait que Cesson mène à la mi-temps (ce qui fut le cas 15-12). Les gains sont de 252 880 euros.

Les 5 joueurs blessés pour cette rencontre font parti des 18 personnes interpellées par la police. Mais n’ayant pas participé à la rencontre incriminée, difficile de prouver qu’ils ont pu la "truquer". Le problème, c’est que 4 autres joueurs de Montpellier ont également été interpellés dimanche 30 septembre et que ceux-ci ont bien participé au match Cesson-Sevigné - Montpellier. Il s’agit de Dragan Gajic, Wissem Hmam, Mickaël Robin et Primoz Prost. Ces joueurs auraient donc parié sur une rencontre à laquelle ils participaient !

LUKA ET NIKOLA KARABATIC EN ROUTE VERS MONTPELLIER

Plusieurs handballeurs dont les frères Karabatic et leurs compagnes ont quitté le service central des courses et jeux à Nanterre mardi pour rejoindre Montpellier où l'instruction sur le match présumé truqué est menée, a-t-on appris auprès d'un avocat de la défense, Me Jean-Yves Liénard.

Selon cette source, il s'agit d'une "remise en liberté technique", liée aux délais de garde à vue et au nombre de personnes à présenter éventuellement aux magistrats qui instruisent l'affaire à Montpellier. Cette mesure ne présage donc en rien de la suite de la procédure à leur égard, avait-on expliqué de source proche du dossier.

(AFP)

L’avocate Caty Richard, qui représente le Tunisien Wissem Hmam, a affirmé que son client "fait valoir son droit au silence". Une démarche commune à tous les joueurs interpellés, les sportifs réservant leurs explications au juge d’instruction de Montpellier Thomas Meindl. Une stratégie de défense fustigée par le procureur de Montpellier Brice Robin.

Jeny Priez admet avoir parié pour Luka Karabatic

Toutefois, la compagne de Luka Karabatic, l'animatrice de télé Jeny Priez, interpellée également dimanche, a admis pendant sa garde à vue "avoir parié" pour son compagnon, à sa demande et "avec l'argent de celui-ci", a annoncé son avocat Me Antoine Camus qui a également confié que la garde à vue de sa cliente a été prolongée.

Cette affaire plonge tout le handball français dans un profond désarroi. Que cela soit à la Fédération française de handball (FFHB) ou à la Ligue Nationale de handball (LNH), on est sous le choc :

Joël Delplanque, président FFHB : "C'est une affaire très sérieuse"

L’ancien entraîneur de l’équipe de France de handball, Daniel Costantini (champion du monde en 95 et 2001), lui, ne mâchent pas à ses mots à l’égard des joueurs impliqués et notamment l’idole du hand français, Nikola Karabatic, dans des propos à l’AFP : "On se rend compte aujourd'hui que ce sont des garçons à qui on prêtait beaucoup plus de qualités qu'ils n'en ont. Nikola Karabatic, tout le monde parlait de son intelligence, disait qu'il aurait pu faire des études supérieures. Or là, si c'est avéré, il s'est comporté comme un petit con. Être prêt à mettre sa carrière en jeu pour 10 000 euros..."

Selon le journal "Midi Libre", Nikola Karabatic, double champion olympique, du monde et d’europe, doit notamment s'expliquer sur un pari de 3 600 euros passé dans la matinée du 12 mai dans un bar de Montpellier, par un proche des deux frères. Le procueur de la république de Montpellier affirme également qu'un patron de bar de l'agglomération héraultaise, proche de l'actuel capitaine du MAHB Dragan gajic, a misé à lui seul plus de 25 000 euros dans son propre bar.

"Une tâche sur le handball"

Ces interpellations de joueurs montpelliérains dans les vestiaires du stade Pierre de Coubertin à l’issue de la rencontre PSG handball-Montpellier (38-24) ternissent l’image de ce sport qui comptait bien cette année surfer sur l’arrivée des Qataris dans le handball (propriétaire du PSG handball) pour médiatiser encore plus cette discipline :

Etienne Capon, directeur général LNH : "C'est une tâche sur le handball"

En début d’après-midi ce lundi 1er octobre, l’entraîneur de Montpellier, club français le plus titré, Patrice Canayer, est apparu déterminé à tourner cette sombre page lors d’une conférence de presse : "Il y aura immanquablement un avant et un après 30 septembre. Le club se sent trahi, mais nous devons aujourd’hui nous tourner vers l’avenir. Ce club n’appartient pas aux joueurs, les valeurs que l’on défend sont au dessus des individus. On reconstruira le club pierre après pierre."

Alors que les gardes à vue de 15 handballeurs et des membres de leur entourage, arrêtés dimanche, a été prolongée de 24 heures lundi après-midi, celles de Vid Kavticnik, Wissem Hmam et Mickaël Robin ont été levées.